LE REEL EXISTE-T-IL?

UN ET DEUX : LE REGARD ET LE REEL.

 

 

Un débat épistémologique, important mais un peu trop caricaturé, sévit chez les professeurs de SES. Quel lien doit on faire entre l’analyse (et la théorie) et le réel tel qu’il est vécu ? Certes, il n’existe pas d’objet scientifique sans théorisation préalable mais peut-on dire pour autant que le réel n’existe pas ? La position épistémologique est licite mais nous pouvons nous moquer des propos abusifs qui sont tenus à partir d’elle tout en rendant hommage aux « diablogues » de Roland Dubillard

 

 

 

La scène se passe le matin sur la place d’une petite ville de province.

 

Un (apercevant Deux) : Ah ! Mon cher ami !

 

Deux : Mon cher ami !

 

Un : Cela fait si longtemps que je ne vous avais pas vu

 

Deux : Moi de même. Je croyais que vous aviez disparu.

 

Un : Disparu ? Qui sait , cher ami ? Et vous, que devenez vous ?

 

Deux : Oh ! Comme tout le monde. Je mène ma vie gentiment et je me lamente de l’état du monde.

 

Un : Il faut dire qu’il est bien triste. Il fait peine à voir

 

Deux : A qui le dites vous !

 

Avisant un SDF assis le long du mur.

 

Deux : Regardez ce pauvre homme ! Je vais lui donner une pièce ; c’est peu de chose mais çà l’aidera.

 

Un : surtout pas, malheureux !

 

Deux : Surtout pas ? Pourquoi ?

 

Un : Evitez de le regarder ainsi.

 

Deux : Pourquoi ?

 

Un : Ne savez vous pas que c’est le regard qui créé l’objet ?

 

Deux : Qu’est ce à dire ?

 

Un : Cet homme n’existe pas, c’est vous qui le faites exister par votre regard.

 

Deux : Alors, je ne peux pas lui donner une petite pièce ?

 

Un : Mon dieu ! Mais ce serait la pire des choses. Comme l’a dit le philosophe : le pauvre est défini par le soutien que lui accorde son groupe.

 

Deux : Mais alors, que faire ?

 

Un : Evitez de le regarder.

 

Deux : Et il ne sera plus pauvre ?

 

Un : Plus précisément, il ne sera plus. Puisque c’est le regard qui créé l’objet.

 

Un et Deux tournent le dos à l’homme, lequel disparaît non sans avoir supplié Un et Deux une dernière fois.

 

Deux : Est il toujours là ?

 

Un : Evidemment non ! Puisque vous ne le regardez plus !

 

Deux : En êtes vous sûr ?

 

Un : Evidemment.

 

Deux : On ne pourrait pas vérifier ?

 

Un : Cà ne servirait à rien.

 

Deux : Pourquoi ?

 

Un : Parce que pour vérifier, vous êtes obligé de le regarder.

 

Deux : Et alors ?

 

Un (s’énervant) : Et alors, il se remettrait à exister puisque c’est le regard qui créé l’objet. Décidément, vous ne comprenez rien à rien.

 

Deux : Mais je ne vous permets pas…

 

Un : Excusez moi.

 

Deux : Ce n’est rien.

 

Un : Excusez moi mais je suis toujours agacé par les gens qui ne comprennent pas çà.

 

Deux : Mais je comprends parfaitement

 

Un : Permettez moi d’en douter.

 

Deux : Me prenez vous pour un imbécile ?

 

Un : Je n’ai jamais dit çà.

 

Deux : Vous ne l’avez pas dit mais vous l’avez pensé.

 

Un : Non !

 

Deux : Votre ton n’est pas convaincant.

 

Un : Vous me faites un procès d’intention.

 

Deux : Non ! Vous m’avez bien insulté.

 

Un : Vous entendez ce que vous voulez entendre.

 

Deux : Permettez moi de vous dire…

 

Un : Vous n’avez rien à me dire !

 

Deux : Vous m’écouterez quand même.

 

Un : Je ne vous entends pas !

 

Deux : Regardez moi quand je vous parle.

 

Un : Je ne vous vois pas !

 

Deux : Alors moi non plus, je ne vous regarde plus !

 

Un et Deux se tournent le dos.

 

Un : Monsieur, je vous méprise.

 

Deux : Pas autant que je vous méprise, monsieur !

 

Un : Pour moi, vous n’existez plus.

 

Deux : Pour moi non plus, vous n’existez plus.

 

Alors Un et Deux disparaissent en silence. La pièce de monnaie que Deux avait gardé en main tombe sur le trottoir. Le SDF réapparaît et se lève pour la ramasser. Il la tord entre ses dents afin de vérifier qu’elle n’est pas fausse.

 

Le SDF : Hé oui ! J’existe !

 

Il sort de la scène.

 

 

 

 

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