LA GLOIRE DE VAN GOGH
LA GLOIRE DE VAN GOGH
Nathalie HEINICH
Éditions de Minuit -1991
L’auteur s’attaque à la légende selon laquelle Van Gogh était un peintre maudit et incompris. En réalité, il a été très vite reconnu par les spécialistes et l’a été par le grand public peu de temps après sa mort précoce. Nathalie Heinich se demande donc pourquoi et comment la légende « d’artiste maudit » a été construite. Avec Van Gogh on voit apparaitre un nouveau modèle de l’artiste, de nouveaux critères du beau et un processus de sacralisation, le tout opérant dans la constitution d’un champ et à travers les stratégies de certains critiques.
Aurier, Le premier critique qui repère Van Gogh s’inscrit dans une querelle entre anciens et modernes commencée avec Delacroix (1830) et Courbet (1850) où l’excellence technique et l’imitation des anciens laissent la place à l’authenticité et l’originalité dans une stratégie d’opposition à la bourgeoisie. Il faut donc analyser l’émergence de Van Gogh comme s’inscrivant dans un champ (au sens de Bourdieu).
La reconnaissance de Van Gogh va passer par trois étapes de « mise en énigme de l’œuvre », « mise en légende de l’artiste » et « mise en spectacle de la faute ».
La « mise en énigme de l’œuvre » passe elle-même par trois étapes : la « particularisation » fait qu’on met l’accent sur ce qui différencie Van Gogh des autres peintres (la fièvre du dessin, la folie, le talent inné,…) de façon à présenter un artiste reconnu, valorisé et identifié. La « généralisation » se traduit par le f ait que le critique va se faire historien en analysant l’ensemble de l’œuvre de l’artiste. Enfin le travail de l’analyse de l’œuvre va s’appuyer sur l’idée qu’il ya une « énigme » à résoudre, celle du génie de Van Gogh et de l’étrangeté de sa peinture. Mais pour cela il faut mettre en évidence l’authenticité de l’œuvre à travers sa permanence, son universalité et l’intériorité qui la caractérise. Dans les années 1920 la particularité de son travail le rendant identifiable auprès du grand public va inaugurer une nouvelle valeur esthétique, la subjectivité, et permettre à la fois d’accroitre sa notoriété et permettre aux critiques de montrer leur compétence. C’est à ce moment qu’apparait la différence entre le discours savant, qui s’intéresse à l’herméneutique de l’œuvre, et le « grand public ».
La « mise en légende de l’homme» vase développer à partir des années 1920. Légende proche de la vie des Saint (vocation, marginalité, pauvreté, martyr,..) engendrant une sacralisation du champ artistique à un moment où les thèmes religieux sont évacués de l’Art. L’artiste est alors à la fois génie, saint et héros.
La troisième étape est celle de la mise en spectacle de la faute. Pour cela, le thème de la folie nécessaire à l’œuvre apparaitra plus tardivement. On va voir apparaitre une « martyrologie » avec le thème de la mutilation de l’oreille face à la « société aliénante » ; la société a donc une dette à l’égard de l’artiste. La société traitera cette déviance en réintégrant le déviant dans des catégories spécifiques, soit disqualifiantes comme le thème de la « folie » soit par une héroïsation. C’est cette dernière voie qui a été privilégiée et qui amène à une « réparation ». Réparation par l’argent où les toiles s’apparentent à des reliques et la spéculation prend des allures de Potlatch. Réparation par le regard où les expositions s’apparentent à des pèlerinages.
Ajouter un commentaire