HENRI MENDRAS : LA SECONDE REVOLUTION FRANCAISE – 1988
HENRI MENDRAS
Gallimard 1988
(Note de lecture établie par Th. Rogel)
La période 1965-1985 correspond à une transformation de la société française suffisamment profonde pour que l’auteur l’assimile à une « seconde révolution française », comparable à la révolution de 1789 mais alors que la première révolution fut politique et bruyante, la seconde est culturelle et silencieuse (relativement silencieuse). Pour Mendras, la période précédente, allant de 1945 à 1965, représentait un rattrapage de la situation d’avant-guerre, clôt un très long dix-neuvième siècle et marque l’étape ultime de la montée de l’individualisme entamée à la Renaissance.
Henri Mendras analyse donc les transformations structurelles qui vont marquer la société française après 1965 en s’intéressant préférentiellement au système de classes et aux Institutions, aux transformations de la famille et des catégories d(‘âge, et aux transformations des modes de vie.
Emiettement du système de classes.
L’auteur diagnostique un émiettement de la structure de classes sociales et envisage une vision en « constellation » avec deux constellations – populaire et dirigeante- fermées sur elles mêmes et une vaste constellation centrale fluide et ouverte. En effet, sur cette période, la paysannerie se modernise et disparait au profit des agriculteurs ; la classe ouvrière, dont les effectifs progressaient depuis le 19ème siècle, entame un déclin quantitatif à partir de 1975 et la bourgeoisie rentière décline.
La stratification en termes de classes impliquant l’existence de Grandes Institutions socialisatrices (l’Ecole, l’Armée, les syndicats, le Parti Communiste, l’Eglise), l’émiettement du système de classes implique que ces institutions perdent de leur prégnance ; on assiste donc à une « désinstitutionalisation » : la Religion ne recule pas en tant que tel mais devient de plus en plus « individualisée »; l’Ecole perd de sa prégnance et doit partager ses fonctions avec les medias montants (notamment la télévision) et la sélection sociale existe toujours mais devient de moins en moins explicite et de plus en plus cachée.
Structures anthropologiques
Démographiquement, on assiste à la fois à une montée du troisième et du quatrième âge et à une montée de la jeunesse (avec le Baby-Boom). Les catégories d’âge prennet une ampleur certaine dans la société mais le calendrier d’entrée dans la vie adulte est perturbé avec les transformations du mode de vie et les effets de la crise. Les frontières entre catégories d’âge deviennent donc plus floues qu’auparavant
On assiste également à la montée de l’activité féminine corrélée à la montée des divorces et à l’instabilité des couples. L’hétérogamie croissante brouille les frontières de classe et la société y gagne en flexibilité. Les familles se recomposent et se complexifient.
Il résulte des ces diverses tendances (augmentation de l’espérance de vie et montée des divorces et des remariages) une fragilisation du noyau conjugal et un renforcement de la parentèle, notamment de la lignée.
Toutes ces évolutions ont un point commun, le passage de la centration du Père à la Mère.
Modes de vie et valeurs.
Les modes de vie reposent de plus en plus sur la double tendance à l’homogénéisation et à la différenciation et le modèle d’imitation des comportements du « haut ers le bas » n’est plus le seul existant. Le mode de vie est donc de moins en moins s imposé et fait l’objet d’une construction individuelle
On passe d’une opposition entre culture bourgeoise et culture populaire à un système unique fondé sur les éléments de l’ancienne culture bourgeoise répandus dans toutes les catégories. Sur ce substrat commun se développent des cultures particularisées.
La société de masse gagne du terrain mais elle n’élimine pas totalement les distinctions régionales et implique un regain des solidarités locales.
Permissivité, hédonisme, épanouissement personnel sont les valeurs « en hausse » et sont directement les résultats de la montée de l’individualisme.
COMMENTAIRE
Un livre essentiel pou r l’analyse du changement social et de la « seconde modernité » des années 1960. On peut le confronter avec « la métamorphose de Plozevet » d’Edgar Morin (http://mondesensibleetsciencessociales.e-monsite.com/rubrique,plozevet,620364.html) qui traite le même sujet à un niveau local et aux travaux de Louis Dirn (http://mondesensibleetsciencessociales.e-monsite.com/rubrique,la-matrice-de-louis-dirn,542890.html ) dirigés par le même Henri Mendras.
Le livre écrit en 1988, traite de la période 1965-1985 mais après cette date, on assiste aux premiers effets de la révolution libérale entamée au début des années 80, à deux décennies de crises financières et au durcissement des relations sociales.
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