LA CIVILISATION DES MŒURS

LA CIVILISATION DES MŒURS

(Norbert Elias – Calmann Lévy 1973 – 1ère édition 1939)

Il s’agit de la première partie de l’ouvrage « le processus de civilisation », la deuxième partie étant constituée par le livre « La dynamique de l’Occident »

  • Culture et Civilisation

Norbert Elias s’intéresse en premier lieu à la destinée des deux concepts que sont la Civilisation et la Culture. La notion de Civilisation surtout présent en France et en Angleterre se présente comme un processus qui permet de distinguer le stade atteint par la Nation des stades passés (Barbarie) et des sociétés « moins développées » (primitivisme). Le civilisation est  à multiples dimensions (technique, politique, morale, religieuse,…) et est à prétention universaliste. En Allemagne, el concept de civilisation occupe une place secondaire et désigne des éléments superficiels de l’Homme. A sa place s’est imposée l’idée de Culture opposée en de nombreux points à la civilisation : elle n’est pas un processus mais un état qui est restreint aux dimensions de l’art, de la religion et l’intellectualité. Elle n’a pas un caractère universaliste mais a au contraire pour effet de distinguer les groupes ou les Nations. Dans les deux pays, ces concepts de culture et de civilisation sont des armes au service de s classes moyennes supérieures (la bourgeoisie) dans leur désir de reconnaissance. La distinction entre les deux concepts vient de ce que la Bourgeoisie n’a pas été reconnue de ka même manière dans les deux payx. En France, elle a été intégrée très tôt aux phénomènes de cour et à la Noblesse. En Allemagne, elle a au contraire été rejetée par l’aristocratie et a donc été exclue de l’activité politique et cantonnée aux activités des arts et de l’esprit. C’est cette dissociation qui, selon Elias, a façonné le caractère national allemand.

  • Le processus de Civilisation

L’émergence de la « conscience de la civilisation » est un processus graduel qui  est marqué par une plus grande restriction et un contrôle plus strict des pulsions et de ce qui est considéré comme tolérable. La contrainte sera de plus en plus intériorisée et les normes de comportement s’engagent dans un processus de privatisation. Ainsi à l’origine le comportement peut se dérouler en public (à l’exemple de la nudité ou du fait de faire ses besoins) et il tendra ensuite à être relégué dans le cercle familial ou dans l’intimité de l’individu. Le contrôle social sera d’abord externe, et sera le fait des classes dominantes puis passera peu à peu entre les mains de la famille et de l’autocontrôle. De plus, la motivation de la contrainte va se transformer. Ainsi, la contrainte qui est d’ordre social durant la renaissance n’apparaitra comme rationnelle que beaucoup plus tard (par exemple, le savoir vivre à table ne sera que tardivement motivé par des questions d’hygiène). Ce processus va passer par trois étapes : Moyen âge, société de cour (Renaissance), société bourgeoise. Trois modes de distinction correspondant à chaque étape vont se succéder : la courtoisie, de la civilité et de la politesse. La parution du « traité d’Erasme » auquel Elias se réfère de manière centrale, va constituer un moment charnière dans ce processus.

Savoir vivre et structures sociales

Cette transformation des mœurs s’opère en lien avec les transformations de la structure sociale et le processus de civilisation va s’expliquer principalement par la remise en cause de l’indépendance de la classe dominante. Au Moyen-Âge, l’idée d’égalité n’existe pas, le chevalier est libre, il doit savoir manier les armes et s’occuper d’amour. A ce moment, il est logique que le seuil de sensibilité à l’agressivité, à la sexualité soit faible et les pulsions soient peu contrôlées mais par la suite, la division du travail croissante va rendre les classes dominantes de plus en plus tributaires des autres classes. A partir de la renaissance, la noblesse chevaleresque va céder le pas à la Noblesse de Cour à laquelle vont s’agréger des éléments bourgeois. Cette Noblesse étant dépendante de la Cour et du Roi, a maintenant de nouveaux impératifs comme savoir manier le langage ou tenir une table,… on comprend alors l’importance de la valorisation du raffinement. Le contrôle social par le savoir-vivre va alors apparaitre comme une manière de compenser la mobilité sociale croissante en accentuant la distinction sociale (c’est le passage à la « Civilité »). Au 18ème siècle, la Société de Cour va s’élargir à la bourgeoisie et à l’Eglise ; cette dernière va transmettre les manières au peuple et on assistera alors au déclin de la civilité face à la politesse. Enfin, durant la dernière phase étudiée, le bourgeois est dépendant des autres et du travail. La norme de comportement impose alors un contrôle des pulsions.

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