BERTHELOT Jean-Michel : L'EMPRISE DU VRAI - P.U.F. - 2008
L’EMPRISE DU VRAI
CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE ET MODERNITÉ
Jean-Michel BERTHELOT – P.U.F. – 2008.
Article consultable à l’adresse ci-dessous
http://www.liens-socio.org/article.php3?id_article=3602&var_recherche=rogel
Ces dernières années, il est devenu de plus en plus fréquent de contester les représentations idéalisées de la pratique scientifique telle qu'elles sont portées par le logicisme et de mettre en avant l'importance des déterminants sociaux de ces pratiques; mais cela a pu amener à développer des thèses affirmant que la science n'aurait rien à apporter en termes de recherche de la vérité et serait une activité sociale comme une autre, thèses dites du « constructivisme social » radical. Dans cet ouvrage, Jean-Michel Berthelot, philosophe de formation et sociologue, envisage de montrer que s'il est nécessaire de prendre en compte l'importance des déterminants sociaux, les thèses du constructivisme radical ne sont pas fondées. Tenir compte des déterminants sociaux dans la science impose de reconnaître que celle-ci s'insère dans une société donnée et que ses progrès passent par l'existence d'une communauté savante, d'Institutions et d'un dispositif social de connaissance et, dès lors, il est possible d'analyser l'activité scientifique selon trois démarches classiques, Institutionnaliste, interactionniste et intentionnaliste. Pour autant, si elle est sociale, l'activité scientifique n'est pas une activité sociale comme une autre et les connaissances scientifiques ne peuvent être assimilées à de simples croyances. J.-M. Berthelot entreprend donc de mettre à l'épreuve les perspectives du constructivisme social radical. Il reconnaît l'intérêt de certaines idées qui sont à la base du constructivisme social : ainsi il est certain que la réalité ne peut s'appréhender que de manière indirecte, que la recherche souffre d'une sous-détermination empirique et que les intérêts extra-scientifiques jouent un rôle non négligeable dans le déroulement des controverses scientifiques. De même, le langage scientifique apparaît en grande partie comme un langage conventionnel et les savants tenteront d'obtenir, et obtiendront, l'adhésion du public par des procédés rhétoriques. Berthelot reconnaît volontiers l'importance de ces idées mais cela n'impose pas d'en conclure, comme le fait le constructivisme, que ce sont les intérêts extra-scientifiques qui déterminent en dernière instance la clôture des controverses scientifiques ni que les énoncés scientifiques ne sont que convention. Pour appuyer sa démonstration, J.-M. Berthelot se fonde sur trois exemples de controverse scientifique (sur la phrénologie, sur la construction d'indices statistiques et sur la génération spontanée ) lui permettant de conclure que les thèses du constructivisme social radical ne sont pas fondées. En revanche, le modèle de Merton (fondé sur les caractéristiques que sont l'universalisme , le communalisme, le désintéressement et le scepticisme généralisé), reste valable malgré les contre exemples qu'on peut lui opposer. L'auteur analyse ensuite l'idée selon laquelle les thèses du « constructivisme social » radical deviendraient plus pertinentes aujourd'hui dans le cadre d'une « société de la connaissance » (ou d'une « société du risque») caractérisée par un affaissement des frontières entre les diverses sphères de l'activité sociale, une dialectique de l'innovation et une emprise plus grande de la science sur ces diverses activités et surtout par une délégitimation à la fois métaphysique, épistémologique et éthico-politique de la science. Ces trois types de critiques ne sont pas nouveaux mais vont converger dans les années récentes et nourrir le constructivisme social. Pour Berthelot, cette délégitimation doit être analysée comme un effet pervers d'une emprise croissante de la science et de la « norme du vrai » sur la société, continuant dès lors à s'inscrire dans l'optique de « rationalisation croissante » de Weber. Enfin, il termine son ouvrage en présentant, de manière trop rapide, un modèle alternatif fondé sur la prise en compte des dimensions cognitives d'agents intentionnels agissant dans le cadre de normes. Son objectif est donc de prendre au sérieux le poids des déterminants sociaux sur l'activité scientifique sans jamais oublier que le cœur de celle-ci se situe dans la recherche du vrai.
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