VALEURS ET CULTURE
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CULTURE ET VALEURS
(Niveau terminale)
Le fait que la croissance économique, par son importance, entraîne de profondes transformations structurelles nous pousse souvent à définir les sociétés par leurs aspects matériels, c‘est à dire leur système économique et leurs techniques. Ce n’est certes pas négligeable mais il ne faut pas sous estimer aussi qu’une société existe aussi parce qu’elle est porteuse des croyances les plus diverses : croyances religieuses, superstitions, “croyance” dans la science, convictions politiques,... On peut d’ailleurs remarquer que considérer qu’une société repose avant tout sur ses aspects matériels est déjà une forme de croyance. L’importance accordée à l’économie et à la technique est typique des sociétés occidentales; en revanche, dans de nombreuses sociétés traditionnelles, les mythes, les croyances, les relations avec les apparentés,...tiennent une place beaucoup plus importante dans la vie que les aspects matériels. Certes toutes les croyances n’ont pas le même degré de validité : il est, par exemple, peu douteux qu’en général, les théories scientifiques aient plus de réalité que les superstitions mais ce qui intéresse le sociologue c’est que ces croyances influencent les actions des hommes; ainsi, par exemple, l’antisémitisme ne repose sur rien de réel mais il faut connaître et étudier cette croyance parce que des hommes l’ont adopté et qu’elle a eu les conséquences historiques que l’on sait.
Toutes ces croyances ont donc des degrés de validité différents et relèvent de domaines différents mais on peut en faire une classification succincte. Toutes les sociétés ont développé des “mythes”; ceux ci constituent des explications du monde ou de ses caractéristiques : ainsi on expliquera l’apparition ou la destruction du monde, la découverte du feu,... dans les sociétés traditionnelles, ils ont souvent servi de substitut à une explication scientifique qu’il n’était alors pas possible de développer. Cependant, il ne faudrait pas croire que les mythes, même s’ils sont moins nombreux, ont disparu des sociétés modernes : en effet, la majorité des nations ont développé des mythes de création; la France, par exemple, s’est créée des ancêtres mythiques, les gaulois, et une figure mythique (véritablement mise en évidence au XIXème siècle), Vercingétorix. La France est d’ailleurs un des seuls pays à avoir un deuxième mythe de création, les francs. Même un pays aussi neuf que les États-Unis a des mythes modernes tels que le “mythe de Carnegie” qui raconte comment Carnegie s’est enrichi à partir de rien, mythe permettant de justifier l’image des États-Unis comme “terre de la réussite individuelle”.
Le “folkloriste” Arnold Van Gennep faisait la distinction entre les mythes, les légendes et les contes : les mythes ont pour vocation d’expliquer une ou des caractéristiques du monde, passent pour vraies mais se situent en un temps et un espace lointains et indéterminés; une légende se passe en un temps et un lieu déterminés; un conte n’est localisé ni dans un temps ni dans un espace et, surtout, ne cherche pas à passer pour vrai. Il est intéressant de voir qu’une même histoire peut passer du statut de mythe à celui de légende ou à celui de conte. Là encore, il serait erroné de croire que les légendes et les contes sont spécifiques aux sociétés traditionnelles; les sociétés modernes développent également des histoires qui cherchent à se faire passer pour vrai (qui le sont parfois mais pas toujours) et circulent de groupe en groupe, par le bouche à oreille, les médias ou d’autres moyens de communication (tracts,...). Il s’agit des rumeurs et des “légendes urbaines”. Nous connaissons tous l’une ou l’autre de ces histoires fantastiques qui ont arrivées à un “ami d’un ami” : une mygale cachée dans un yucca, des décalcomanies au L.S.D.,... Ces histoires sont en général fausses mais acquièrent une énorme validité à mesure qu’elles circulent dans la société. Les “folkloristes” américains distinguent la légende urbaine de la rumeur dans la mesure où il s’agit d’une histoire plus élaborée qui ne serait arrivée qu’une fois et qui, en général, contient une morale implicite. A ce point, nous sommes très éloignés de la science et il peut sembler a priori incongru d’allier la science au terme “croyance”. En effet, qu’est ce qui caractérise, globalement, la démarche scientifique? C’est que, sur un problème donné, on puisse émettre une idée (une hypothèse) qui pourra donner lieu à une vérification. Cette vérification peut elle même poser problème : l’idéal est qu’on ait recours à l’expérimentation (comme en biologie ou en physique) mais quand ce n’est pas possible, il faut confronter les conséquences qu’on tire des hypothèses avec la réalité. En clair, il faut que les résultats obtenus puissent être vérifiés. Cependant, la science nous informe sur le “comment” des phénomènes mais ne nous donne guère d’explications sur le “pourquoi”des choses (ce que les mythes ou la religion peuvent faire). Ceci explique que les pratiques ou les croyances relevant du “magique” n’ont pas disparu de nos sociétés, il suffit de voir le succès des horoscopes, des cartomanciennes, voyantes et marabouts, des guérisseurs,...toutefois, la tendance majeure des sociétés modernes est qu’elles sont moins soumises que les sociétés traditionnelles à ces croyances et ont plus recours au raisonnement scientifique. C’est ce que le sociologue allemand Max Weber a appelé la “rationalisation croissante” des sociétés. Cette rationalisation croissante se traduit par le recours à l’analyse et à l’explication scientifique mais aussi par le recours au calcul, à la mesure, à la règle impersonnelle,...et elle touche tous les domaines des sociétés modernes. Ainsi la science, bien sûr, en est une illustration mais également le taylorisme dans la mesure où il donne lieu à une mesure, à un calcul, et à des règles qui s’imposent à tout un chacun. La comptabilité d’entreprise qui apparaît aux alentours du 16ème siècle (auparavant les comptes étaient faits mais de manière très approximative). L’Etat, par le développement de la bureaucratie, devient plus “rationnel”,... Pour Max Weber ce qui caractérise le capitalisme du 19ème siècle n’est pas la recherche du profit (la volonté de s’enrichir a toujours existé) mais le recours à des moyens rationnels pour s’enrichir (le calcul coût/avantage, la comptabilité, le taylorisme,...). Enfin, le domaine de la politique est un lieu essentiel de croyances. Dans ce cas, nous avons notamment à faire à des idéologies. Ce terme et d’un emploi délicat car il a changé de sens au cours des années et a acquis une connotation péjorative qu’il n’avait pas forcément à l’origine.
Dans son sens courant, dérivé du sens marxiste, une idéologie est une représentation fausse du monde. Pour les marxistes l'idéologie est liée aux intérêts d'une classe sociale en particulier : ainsi l'idéologie libérale, selon laquelle seule la libre initiative permet l'essor économique, irait dans le sens des intérêts d'un groupe dominant. La plupart des sociologues retiennent une conception plus neutre de l'idéologie : elle est alors assimilée à une "vision du monde" cohérente : on peut ainsi distinguer une idéologie marxiste (le fonctionnement du monde s'explique avant tout par la lutte des classes), une idéologie libérale, une idéologie nationaliste, une idéologie raciste,...à la différence des théories les idéologies ont pour fonction de permettre aux gens d'agir en fonction de cette conception du monde.
Toutes ces croyances, quelles qu’elles soient, amènent au développement “d’opinions” et seront liées à la notion “d’opinion publique”. L’opinion publique pose un problème particulier car elle est omniprésente et insaisissable. Chaque jour, les journalistes rappellent que “l’opinion publique” “pense que” ou “veut que” mais qu’est ce que cette opinion publique? Ce que pensent les gens? Mais quels gens? Et comment sait on ce qu’ils pensent? Ce problème de l’opinion publique est apparu en même temps que la démocratie (c’est à dire vers le 18ème siècle) et le problème essentiel était de savoir comment connaître l’opinion du peuple. Bien sûr la démocratie prévoit des échéances électorales mais que se passe-t-il entre celles ci? Entre celles ci il y a des “agents” (ou des intermédiaires) qui, sans retranscrire fidèlement la volonté du peuple (mais est ce possible?) permettent de faire émerger un certain nombre d’idées. Ce sont les médias (TV, journaux,...) et les journalistes. Mais ce sont aussi les diverses formes d’action collective (grèves, manifestations,...) au cours desquelles certains groupes essaient de faire passer des idées. Mais dans quelle mesure ces agents sont ils vraiment porteurs de la “volonté du peuple”? Depuis quelques décennies un autre instrument est apparu et semble être dominant dans la définition de l’opinion publique, c’est la pratique des sondages d’opinion. Cependant si, techniquement, ce sont des instruments fiables, beaucoup contestent leur utilisation car ces sondages consistent souvent à demander à des individus de répondre rapidement à des questions qu’ils ne se sont jamais posés et qui ne les concernent pas. Ainsi, personne ne conteste sérieusement l’utilisation de sondage d’opinion préélectoraux, en revanche on peut être beaucoup plus sceptique quand on demande aux français s’ils pensent qu’on trouvera un vaccin contre le sida qu’en savent ils?) ou qu’on interroge une personne âgée du sud de la France sur un problème qui concernera les étudiants parisiens.
Mais s’il y a des idéologies, croyances ou opinions, celles ci ne sont que la partie émergée, la plus voyante, d’un vaste continent, celui qui recouvre la culture et l’ensemble des valeurs. En sciences sociales, une société peut être caractérisée par un ensemble relativement cohérent de valeurs, normes , statuts, rôles, mythes et rites,...Le tout peut être qualifié de système culturel.
La notion de valeur est sans doute la plus difficile à expliquer et il n’existe pas de définition véritablement satisfaisante. On peut cependant dire que les valeurs recouvrent « les manières d'être ou d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend estimables ou désirables les êtres et les conduites auxquels elle est attribuée ». Ces valeurs peuvent être portées principalement par des organismes ou des institutions; par exemple, contrairement à ce qu'on dit généralement, la famille n'est pas une valeur mais est en général associée à l'affection, l'amour entre époux, la solidarité,... qui sont autant de valeurs. De même le courage, le sens de l'initiative,,... peuvent être classés parmi les valeurs. Les valeurs sont multiples, sont parfois en contradiction mais elles tendent tout de même à faire "système" au sein d'une société c'est à dire d'être relativement cohérentes les unes avec les autres. Par exemple le courage des guerriers était valorisé chez les indiens "Crows" et un père était donc fier de la désobéissance de son fils. Certes il peut exister des valeurs contradictoires dans une même société sans que celle ci cesse de fonctionner : nous mêmes valorisons à la fois la recherche du bien être personnel et l'altruisme. Cependant un système de valeurs trop contradictoire ne permettra pas à des individus de se diriger correctement dans la société. C’est, par exemple, tout le problème de certaines jeunes filles dont les parents sont immigrés et qui doivent faire face aux valeurs portées par leur famille et à celles transmises par l’école ou par la société. Cependant, il existe une “dynamique des valeurs”, c’est à dire que certaines valeurs et croyances changent au cours des temps. On ne peut guère faire apparaître ces changements qu’au travers de sondages d’opinion : ainsi, on voit que les sentiments à l’égard des étrangers ou des homosexuels changent au cours du temps; les français font manifestement preuve d’une tolérance accrue. De même, la référence à la religion est moins forte, ou en tout cas elle apparaît de plus en plus comme une pratique personnelle et non obligatoire. On pourrait multiplier les exemples. Les travaux faits par le sociologue Etienne Schweitzguth montrent clairement que ces changements de valeurs sont liés, comme on pouvait s’en douter, aux changements des générations (les générations les plus récentes sont, par exemple, plus tolérantes à l’égard de l’homosexualité que les plus de soixante ans) et sont fortement liées au niveau d’études. Cependant, il reste une question qui tenaille les historiens, économistes et sociologues depuis deux siècles c’est l’état des relations entre l’économie et les valeurs. Est ce parce que l’économie et le progrès technique progressent que les valeurs changent ou bien les valeurs connaissent elles une autonomie à l’égard de l’évolution économique?
On peut, de manière formelle, décomposer un système social en plusieurs éléments simples, ou sous-systèmes, comme par exemple le système économique, le système social, le système politique, le système culturel. Le système économique regroupe tous les phénomènes liés à la consommation, production, répartition des revenus, progrès technique,... Le système politique recouvre ce qui est lié à la forme de l'Etat (démocratique, autoritaire,...) ainsi qu'aux règles et aux lois (Droits de l'Homme, défense de la propriété privée,...). Le système social recouvre les relations sociales que les individus entretiennent; cela peut aller des règles de politesse jusqu'aux relations entre divers groupes sociaux en passant par les normes et les systèmes de rôles et de statuts. Enfin le système culturel regroupe l'ensemble des valeurs, des croyances, des idées ou des principes moraux,... Tous ces éléments évoluent dans le temps, mais comment se fait cette évolution? Quels sont les sous-systèmes entraînant le changement des sociétés? Nous verrons ici seulement les relations entre système économique d'un côté et système social et valeurs, de l'autre. La réaction commune la plus spontanée, et confirmée par certains faits, est de dire que c'est l'économie qui guide les changements et notamment le progrès technique, aussi bien dans le domaine de la production (robotisation, nouvelles machines,...) que de la consommation (T.V., ordinateurs, magnétoscopes,...). On peut évidemment citer de nombreux cas où ce progrès technique a eu des effet profonds sur la société : l'automobile a favorisé les déplacements, permis de partir loin durant les vacances ou de vivre loin de son lieu de travail. Le téléphone a favorisé les contacts sur longue distance. En remontant dans le temps, on peut rappeler que l'invention de l'imprimerie a permis l'essor de l'instruction et de l'information et que l'invention des montres et horloges a modifié notre perspective du temps qui n'est plus rythmé (ou peu) par les saisons mais par un temps plus abstrait et plus uniforme. Comme ces progrès techniques transforment notre mode de vie, il y a fort à parier que cela a transformé nos valeurs. Dire que "le temps c'est de l'argent" suppose qu'on peut mesurer le temps et qu'on lui donne une valeur qu'il n'avait pas auparavant. Les déplacements permis par l'automobile nous ont permis de découvrir d'autres régions, d'autres pays et ont favorisé notre esprit de tolérance dès lors que nous découvrons d'autres manières de vivre,... Ce n'est pas seulement le progrès technique, c'est l'ensemble de l'activité économique qui provoque ces transformations : dès lors que l'activité économique et que la richesse moyenne des individus progressent on peut supposer qu'il y aura de profondes transformations de leurs modes de pensée. La certitude de pouvoir satisfaire les besoins fondamentaux fait qu'on craint moins les lendemains et qu'on peut rêver à la possession de nouveaux biens et à la satisfaction d'autres besoins. On peut comprendre alors que les pays développés sont passés de situations où on valorisait l'épargne et le travail, où on fustigeait l'endettement, la consommation et le loisir (apanages des "riches" que seuls les fainéants et les irresponsables auraient pu désirer) à une situation où chacun cherche à consommer plus, à satisfaire de nouveaux besoins et où l'endettement, s'il n'est pas excessif, n'est plus stigmatisé. De plus, une croissance économique s'étant accompagnée de progrès de l'instruction, certains auteurs supposent que cela explique les progrès de la tolérance à l'égard d'autres modes de vie ou d'autres manières d'être.
Ainsi, pour de nombreux auteurs de toutes tendances, l’évolution économique est la cause essentielle du changement social. Ce n'est pourtant pas si simple, d'abord parce qu'il existe des progrès techniques qui ont été rejetés et n'ont donc pas eu d'effet; par définition, il est difficile d'en trouver des exemples mais on peut citer le cas du "Citizen Band" promis, au début des années 80, à un bel avenir. Il y a aussi des progrès techniques qui ont vu leur utilisation modifiée après coup : par exemple, le téléphone a d'abord été utilisé "dans un seul sens" pour que les officiers puissent donner des ordres à leurs subordonnés, et non pour une conversation. En fait, pour qu'un progrès technique transforme la société, il faut d'abord qu'il soit accepté par les hommes, il y a donc des conditions préalables à sa réussite. Ainsi, on n'envisageait au début du siècle la réussite de l'automobile, perçue comme un objet polluant, bruyant, coûteux, dangereux et inutile. De même, beaucoup ont eu du mal, avant-guerre, à imaginer que la télévision trônerait dans tous les salons. En ce sens, les valeurs sont aussi un facteur de changement des sociétés. Pour qu'il y ait croissance économique, il ne suffit pas de produire, il faut aussi que les uns cherchent, non seulement un profit, mais produisent d'abord pour le profit et que d'autres accordent une valeur particulière à la consommation. Pour qu'on crée de nouvelles techniques de production, il faut que l'instruction et le savoir aient pris suffisamment d'essor et soient donc valorisés. Pour que les technologies de l'information, allant des premiers journaux au 19ème siècle jusqu'à Internet, soient adoptées, il faut que le fait d'être informé apparaisse comme un besoin essentiel,...
Or, tous ces phénomènes qui nous paraissent naturels n'ont pas été universellement partagés. Dans notre société, nous produisons beaucoup parce que nous désirons beaucoup et nous valorisons l'initiative individuelle et le fait qu'un individu se dégage de son groupe d'appartenance. Or, d'autres sociétés ont choisi de produire peu parce qu'elles désirent peu et la survie du groupe passe toujours avant la réussite individuelle. Les valeurs sont donc aussi un facteur de changement social; l'auteur qui a mis le plus nettement l'accent sur les valeurs est Max Weber qui a donné une explication de l'essor du capitalisme qu'on oppose généralement à celle de Karl Marx.
Pour lui le capitalisme dominant au 19è siècle est caractérisé, nous l’avons vu, par l'accumulation du capital et la recherche rationnelle du profit. En effet, dans toutes les sociétés on a cherché à s'enrichir mais jamais cette recherche n'a eu autant d'importance, jamais elle n'a été autant valorisée et jamais on n'avait utilisé pour cela des méthodes rationnelles (comptabilité d'entreprise, organisation du travail,...). Le capitalisme est avant tout caractérisé par un "esprit", un ensemble de valeurs; ainsi Weber explique que le capitalisme moderne ne s'est pas développé dans les Cités-États du 15è siècle (Gênes, Venise,...) où la richesse et l'accumulation du capital étaient importantes mais s'est développé dans de petites villes des États-Unis où, matériellement, rien ne prédisposait à l'essor du capitalisme. Le capitalisme est donc avant tout une éthique, un esprit.
Cependant cet "esprit" est en germe partout. Pourquoi s'est il développé dans certains pays plutôt que d'autres? Weber constate que le capitalisme s'est développé d'abord dans les sociétés protestantes -calvinistes et luthériennes- (G.B., Pays-Bas, Allemagne, U.S.A.,...). Son hypothèse est que le catholicisme, dominant dans les autres pays, constituait un frein au capitalisme dans la mesure où il condamne l'enrichissement. A contrario le protestantisme condamne l'oisiveté, le luxe et le gaspillage mais ne condamne pas l'enrichissement dans la mesure où il est le résultat d'une activité productive, de la mise en oeuvre des qualités et des dons que Dieu nous a donnés. C'est là un instrument puissant d'essor du capitalisme. De plus puisque le profit est valorisé mais pas la dépense ostentatoire, le seul usage légitime du profit c'est son investissement. On peut ajouter que le protestantisme valorise le savoir et la science, ce qui va bien dans le sens de l'essor de l'esprit du capitalisme. Il faut bien voir que pour Weber le protestantisme n'est pas la cause du capitalisme, le capitalisme est la conséquence de multiples causes, mais le protestantisme a permis de libérer le capitalisme en donnant une caution à l'esprit du capitalisme. Mais, comme nous l’avons vu, son propos dépasse la seule analyse du seul système économique car le processus de rationalisation est partout et favorise, apparemment, une plus grande efficacité du fonctionnement de la société. Cependant, cela se paie parce que Weber a appelé le « désenchantement du monde » : en valorisant les explications scientifiques et en dévalorisant les explications « magiques », la rationalisation répond de mieux en mieux au « comment » mais ne donne plus de réponses au « pourquoi » qui est essentiel pour le vie des hommes; or, ces réponses au « pourquoi » sont données par la religion, les mythes,... Il en résulte une plus grande difficulté pour chacun à donner du « sens » à sa vie .
Dans cette optique, de nombreux auteurs se demandent si les valeurs ne peuvent pas constituer des facteurs favorables à la croissance ou, au contraire, être des freins à celle ci. Ainsi, pour certains, le Confucianisme japonais, en privilégiant les valeurs et les normes relatives à la connaissance ainsi qu’au respect du groupe et de la hiérarchie, aurait favorisé l’essor d’une forme particulière de fonctionnement de l’économie fondée sur les grandes entreprises. A contrario, peut on expliquer les difficultés de développement de certains pays par leur “système de valeurs”? En effet, la croissance, telle qu’on la connaît, est fondée sur la volonté d’un enrichissement personnel s’appuyant sur des moyens rationnels et sur l’initiative individuelle. Cette volonté d’enrichissement suppose qu’on espère améliorer sa situation future et donc qu’on n’accepte plus le fatalisme. On peut donc accepter l’idée que, dans une société où l’initiative individuelle est bridée par le groupe, où la tradition l’emporte sur l’innovation, où les cataclysmes naturels (et les guerres) engendrent le fatalisme, où le prestige ne repose pas sur la richesse mais sur d’autres caractéristiques, dans cette société le développement économique sera difficile à mettre en oeuvre.
Questions sur le texte :
1) Expliquez” les termes : rôle, statut, culture, idéologie.
2) Pourquoi la notion de “valeurs” est elle si difficile à appréhender? Comment pourrait on définir, ou expliquer, ce terme?
3) Quels sont les divers types de croyances?
4) Quels sont les arguments qui permettent d’opposer le “mythe” à la”science”?
Quels sont les arguments qui permettent de les rapprocher?
5) Dans quelle mesure peut on dire que notre société est de plus en plus rationnelle?
6) Que pensez vous de l’expression courante : “Il n’y a plus de valeurs”?
7) Représentez par un schéma les liens existant entre le système économique et le système culturel.
8) En quoi le protestantisme est il lié au capitalisme du 19ème siècle?
9) L’analyse des valeurs peut elle être intéressante dans le cas des Pays en développement? Pourquoi?
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