LES MECANISMES DE MARCHE

 

 

 

 

 

 

 

 

(niveau première)

 

COMMENTAIRE

Ce texte est typique d’une approche « inductive » démarrant, non de la réalité, mais du discours sur celle-ci, discours du type : « Le client est roi et la liberté de marché est de toutes façons efficace ». On pourra compléter ce texte avec le texte « Trop ou pas assez de marché ? »

 

 

 

 Client roi et consommateur rationnel.

 

           « Le client est roi » est un vieil aphorisme des commerçants ; cela signifie que le vendeur devra toujours se plier, autant que possible, aux désirs de la clientèle. Cette image commune du « client roi » renvoie à une image de la théorie économique : le « consommateur rationnel ».

            Ces deux images se renvoient l’une à l’autre : dans les deux cas, le consommateur sait ce qu’il désire et il n’a de comptes à rendre à personne et dans les deux cas, il sait comment parvenir au mieux à ses fins : le consommateur saura choisir le meilleur produit au prix le plus faible, compte tenu de ses désirs (d’où l’emploi du terme « rationnel »). Certains économistes, qu’on appelle « orthodoxes », vont plus loin et considèrent que, par ses seules actions, le « consommateur rationnel » permettra la mise en place d’un fonctionnement idéal de l’ensemble de l’économie. Le raisonnement est le suivant : supposons qu’un consommateur cherche à acquérir un bien donné, par exemple une chaîne hi-fi. Il déterminera d’abord ses besoins (veut il un lecteur Mp3 ou une chaîne plus simple… ?) puis il s’informera des différentes marques existantes (à l’aide d’un magazine spécialisé, par exemple). Il dressera ensuite la liste des différents vendeurs de la ville et achètera le produit ayant le meilleur rapport « qualité-prix » dans la limite de son budget. On peut supposer qu’en général il sera satisfait de son achat et fera partie des consommateurs heureux. Si tous les consommateurs se comportent ainsi, il y aura plus de consommateurs heureux que de consommateurs insatisfaits. Mais ce comportement aura des conséquences sur l’offre proposée par les producteurs et les commerçants. Si une marque s’avère manifestement d’un meilleur rapport qualité –prix que les autres, seule celle-ci se vendra ; les concurrents devront alors se montrer plus attractifs soit en proposant des produits de meilleure qualité ou en intégrant des éléments nouveaux, soit en baissant les prix, ce qui oblige à des efforts de gestion ou à trouver des techniques de production plus performantes. On arrivera donc à un point où les consommateurs seront satisfaits et les produits seront de la meilleure qualité possible aux prix les plus faibles.

 

« Tout va pour le mieux… »

            Mais ce n’est pas fini ; la baisse des prix aura deux autres conséquences : la première, apparemment néfaste mais un bout du compte bénéfique, est que le bénéfice des entreprises baissera ; certaines feront faillite, d’autres se reconvertiront dans d’autres productions, d’autres enfin amélioreront leurs techniques de production afin de réduire les coûts et der restaurer leur profit. Il y a donc là un puissant moteur de l’innovation et du progrès qu’on peut comparer à une forme de « Darwinisme ».

            La deuxième conséquence est, bien entendu, que la baisse des prix permet à de nombreux consommateurs d’accéder à ce produit, les producteurs vont vendre plus et de nouveaux producteurs, attirés par ces nouvelles perspectives de profit, entreront sur le marché des chaînes hi-fi, accroissant ainsi la concurrence et entraînant une nouvelle baisse des prix.

            Au final, si les consommateurs se comportent rationnellement, on obtient ces merveilleux résultats : tout le monde pourra acheter des chaînes hi fi ; celui-ci seront de plus en plus perfectionnées et de moins en moins chères et la production sera maximum. On peut même aller plus loin et en déduire que les entreprises embaucheront, que le chômage baissera,…et ceci pour tous les secteurs.

 

L’équilibre de marché.

 

Mais que se passe-t-il s’il y a  une pénurie ou, au contraire, une surproduction soudaine d’un biens ? Par exemple, un engouement pour les chaînes hi fi provoque une pénurie chez les commerçants. Dans un système de marché pur, cette pénurie ne devrait, théoriquement, pas durer car les commerçants, fines mouches, constatant que la demande de chaînes ne faiblit pas, les vendront plus cher : la demande excédant l’offre, les prix augmentent ; on peut alors supposer que quelques consommateurs renonceront à leur achat et qu’en même temps apparaîtront de nouveaux fabricants de chaînes, attirés par les bénéfices possibles. Ainsi se produira un jeu de bascule entre l’offre, la demande et le prix, le tout aboutissant à un prix tel que le nombre de chaînes vendues soit égal au nombre de chaînes achetées ; c’est ce qu’on appelle un « équilibre de marché ». On voit, cependant, que cet équilibre dépend  de la plus ou moins grande réaction de l’offre et de la demande car il faut, par exemple, que de nouveaux producteurs apparaissent très vite (or faire un nouveau produit peut prendre du temps, notamment pour acquérir les nouveaux investissements).

 

Théorie et simplification du réel.     

            Normalement, cette histoire doit vous laisser un sentiment mitigé. Par bien des aspects, elle semble réelle : les chaînes hi fi sont aujourd’hui bien meilleures et bien moins chères que ce qu’on pouvait trouver dans les années 70. D’un autre côté, on sent bien ce que ce consommateur rationnel a d’irréel : nous avons bien souvent du mal à choisir le meilleur produit, il y a bien des domaines où la concurrence ne joue pas beaucoup (Microsoft par exemple) et où les prix semblent trop élevés (pensez aux SMS) ; enfin, on ne peut guère dire qu’on connaît, pour le moment, un chômage faible.

            Notre « petite histoire » constitue en fait une « théorie », c’est à dire une explication simplifiée d’un phénomène réel. Il faut toujours garder à l’esprit que la réalité est trop compliquée pour être appréhendée dans son ensemble par qui que ce soit et dès qu’on s’avise de l’expliquer, on la simplifie et on fait de la théorie, qu’on en soit conscient ou non. Et si notre petite histoire semble à la fois réaliste et irréaliste, c’est qu’elle repose sur des hypothèses particulières, parfois vérifiées parfois non vérifiées. Pour comprendre quelles sont ces hypothèses, il faut reprendre l’histoire pas à pas.

- 1ère étape : le consommateur veut satisfaire un besoin et choisit le produit en conséquence. Parfois le choix est simple : choisir une baguette de pain, un morceau de viande ou une boite de petit pois ne pose guère de problèmes. Parfois le choix est complexe : quel besoins cherché-je à satisfaire lorsque j’achète un ordinateur ? Faire des jeux ? Et quels jeux ? Transmettre des mails ? Ecrire ? Faire des calculs ?…Un peu tout à la fois ? L’ordinateur est alors un outil suffisamment complet pour qu’on ne sache pas forcément a priori quels besoins il permet de satisfaire et ces besoins n’apparaîtront que peu  à peu.

De plus, le consommateur est il toujours parfaitement conscient de ses besoins ? Agira-t-il toujours rationnellement ou bien, parfois, sous le coup d’une impulsion, dans la volonté d’imiter autrui ou influencé par la publicité ?

- Dans un deuxième temps, il me faut choisir le produit qui me satisfera le plus .Mais sur quels critères puis-je le faire ? Le prix ? La solidité de la chaîne ? Sa qualité sonore ? Et pour écouter quel type de musique ?…Comment hiérarchiser chacune de ces caractéristiques ? Comment comparer notamment une chaîne bon marché et de piètre qualité et une chaîne performante et très coûteuse ? Les choses seraient évidemment plus simples si les différents produits étaient de qualité égale et exactement semblables (les économistes disent qu’ils sont « parfaitement homogènes »).

- D’ailleurs, est on vraiment capable d’évaluer la qualité d’un produit ? C’est simple quand il s’agit d’un produit peu sophistiqué que j’achète régulièrement : il m’est ainsi facile de changer de boulangerie du jour au lendemain. C’est plus difficile quand il s’agit d’un produit sophistiqué qu’on achète rarement : le cas de l’ordinateur est typique. On s’informera alors à l’aide de magazines spécialisés ou de conseils d’amis mais peut on faire cela pour tous les produits ? Le cas de l’informatique est d’ailleurs particulièrement intéressant car il s’agit d’un cas de « produit joint ». Etant donné qu’il permettra de jouer à des jeux vidéos, d’échanger des emails ou de partager des travaux, le consommateur peu informé aura tendance à se simplifier la vie en achetant le produit possédé par la plupart des consommateurs même si celui-ci s’avère moins fiable que d’autres et plus sensible aux virus.

- Il faut aussi, tout simplement, connaître toutes les marques et tous les lieux de vente afin, de faire jouer la concurrence mais on comprend bien que si on peut prendre le temps de le faire pour acheter un produit coûteux comme une automobile , un télévision ou un ordinateur, on ne perdra pas son temps à faire  une telle prospection pour acheter une boite de petits pois. On l’achètera chez notre commerçant habituel ou le plus proche même si elle est un peu plus hère qu’ailleurs.

            Admettons cependant que le consommateur ait su surmonter tous ces obstacles ; il faut maintenant être sûr que son action oblige les producteurs à baisser leurs prix. Ce sera le cas s’ils sont en situation de concurrence mais pas s’il y a un seul producteur (monopole), s’il existe un gros producteur dominant quelques petits (concurrence monopolistique) ou s’il existe qu’un petit nombre de producteurs en mesure de s’entendre (oligopole). Bref, pour que la concurrence joue, il faut un très grand nombre d’offreurs de taille comparable dont aucun n’est capable de dominer les autres (marché atomistique).

 

Mécanismes de marché, évolution et reconversion.

            Mais les tenants des bienfaits du marché vont plus loin que çà. Jusqu’à présent, nous nous sommes cantonnés à l’analyse d’un seul bien et d’un seul marché le marché des chaînes hi fi). On peut montrer que le libre jeu du marché peut favoriser l’évolution de long terme de l’économie. Imaginons que tous les consommateurs soient équipés de chaînes hi-fi et qu’il n’y ait guère que des achats de renouvellement : les ventes stagnent ainsi que les profits. Cependant, un producteur réussit une innovation et lance sur le marché une chaîne lisant le format MP3 (ce que les autres ne savaient pas faire jusqu’à présent) moyennant, évidemment, une augmentation du prix de vente et probablement, du profit. On se doute que les consommateurs vont délaisser les chaînes classiques pour acheter les nouvelles. Les ventes vont donc décliner sur le marché des chaînes classiques, les prix et les profits vont donc baisser. En revanche, elles vont augmenter sur le marché des MP3, entraînant une augmentation des prix et des profits. Les producteurs vont donc peu à peu délaisser les chaînes classiques pour développer les lecteurs MP3. On verra même des producteurs issus de secteurs proches (informatique, équipement ménager,…) envahir ce nouveau marché.

 

Les conditions nécessaires à l’adaptation.

            Ce « modèle » montre  que le simple jeu de la concurrence peut favoriser l’apparition d’innovations et l’évolution économique. Cependant, comme précédemment, cela ne fonctionne que sous des conditions précises.

Il faut que de nouveaux concurrents puissent entrer dans cette branche nouvelle et que les anciens puissent se reconvertir dans le nouveau produit. Cela suppose donc que rien ne puisse empêcher l’arrivée de nouveaux concurrents, que les obstacles soient légaux (les anciens producteurs entament une campagne de publicité pour fidéliser leur clientèle) ou non (pressions faites sur les producteurs). Il faut aussi qu’il n’y ait pas d’obstacles techniques ou physiques.

+ Obstacles techniques : tout le monde ne peut pas maîtriser la technologie ou le savoir faire nécessaire à la manipulation des  MP3. Il est alors possible que le nombre de nouveaux concurrents soit limité.

+ Obstacles physiques : il est possible que les facteurs de production (terre, capital, travail) soient difficilement transférables d’un secteur à un autre. On peut alors avoir des résultats contraires à ce qui est attendu. Imaginons qu’il y ait surproduction dans l’ensemble du secteur agricole ; les prix et les revenus des agriculteurs chutent. Si ces derniers n’ont pas d’autres possibilités d’utilisation de leur terre que l’agriculture ou l’élevage (comme le camping à la ferme, l’ouverture d’un parc d’attraction,…), ils seront dans l’obligation d’augmenter leur production pour vendre plus et maintenir leurs revenus. Mais en faisant cela, ils renforceront la surproduction. On est alors très loin de l’équilibre de marché.

 

Conclusion

On voit donc que pour que le « consommateur roi » entraîne tous ces effets bénéfiques, il faut qu’une liste impressionnante d’hypothèses soit respectée. Les économistes considèrent que ces hypothèses constituent ce qu’on appelle la Concurrence pure et parfaite (CPP).

 

QUESTIONS :

 

1)      Quels sont les résultats attendus de la concurrence ?

2)      Recherchez dans un dictionnaire quelles sont les cinq hypothèses de la concurrence pure et parfaite. Retrouvez les dans ce texte et montrez en quoi elles ont nécessaires pour aboutir aux résultats attendus.

3)      Pourquoi qualifie t on la « concurrence pure et parfaite » (CPP) de « modèle » En quoi cela peut il être utile pour la compréhension des phénomènes économiques ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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