TAUX D'INTERÊT NOMINAL, TAUX D'INTERÊT REEL : UN TRAVAIL DIRIGE

TAUX D’INTERÊT NOMINAL, TAUX D’INTERËT REEL

Du côté du prêteur

Une histoire de CD
Pour le jour de l’an, vous avez eu la chance de recevoir 1 000 euros de la part de votre vieille tante. 1 000 euros ! C’est une somme ! En mélomane averti, vous vous précipitez vers le marchand de musique en tube le plus proche afin de compléter votre collection de CD de Lorie, de Britney Spears et de Paris Hilton (ben oui ! elle s’est mise à chanter). A 20 euros le Cd, çà vous fait 50 Cd et des heures d’extase musicale (évidemment, il n’est pas question de téléchargement). Mais en cours de route, vous vous dites qu’il serait peut être plus judicieux d’attendre et de placer le cadeau de votre tante sur un compte à 6% par an. Vous calculez qu’au 31 Décembre de l’année en cours, vous pourrez récupérer 1 000 euros + 6% de 1 000 euros soit 1060 euros, c’est à dire que vous pourrez acheter 1060/20 soit 53 Cd et vous estimez que cela vaut la peine d’attendre un an pour avoir trois Cd de plus. Evidemment, vous avez toutes les chances d’être déçu et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi.

Pourquoi ?
La réponse tombe sous le sens ! Evidemment, le prix du Cd a changé entre le début et la fin de l’année et on peut supposer qu’il a augmenté. Supposons trois cas. Dans le premier cas, le prix augmente de 2% dans l’année, dans le deuxième cas de 6% et dans le troisième cas de 12%.

Dans le premier cas, le prix du Cd au 31 décembre sera de (20 + 2% de 20) soit  20,40 euros et vous achèterez 1 060/ 20,4 = 51,96 Cd (arrondissons à 52 Cd). C’est plus que les 50 Cd que vous auriez acheté en début d’année mais c’est moins que les 53 Cd que vous aviez prévus ; il est donc possible que vous soyez déçu (c’est ce qu’on appelle la « frustration relative », c’est à dire la déception qui intervient quand vous gagnez mais moins que vous ne l’aviez espéré).
Dans le deuxième cas, le prix du Cd est passé à (20 x 1,06) soit 21,20 euros et vous n’achetez que 1 060/21,2 = 50 Cd soit le même nombre que si vous n’aviez pas attendu. Là vous êtes franchement déçu puisque vos efforts n’ont servi à rein.
Dans le troisième cas, le prix du Cd est de 20 x 1,12 = 22,40 euros et cette fois ci vous ne pouvez plus acheter que 1060/22,4 = 47,3 Cd (arrondissons à 47 Cd) ; vous devez donc vous priver de 3 Cd dont la première œuvre de Paris Hilton. Il y a effectivement de quoi rager !

Il n’est pas difficile de comprendre ce qui s’est passé : dès lors que les prix de ce que vous voulez acheter augmentent plus vite que ce que vous avez gagné en plaçant, alors vous êtes perdant.

Généralisation
Maintenant, il est possible d’examiner une situation plus générale : au lieu de prendre le seul prix des Cd, supposons que nous retenions la moyenne des prix des biens achetés par un ménage moyen français, c’est à dire ce qu’on appelle le « taux d’inflation ». On voit que ce qui compte, ce n’est pas ce qu’on gagne en apparence en plaçant sa monnaie (ce qu’on appelle le « taux d’intérêt nominal ») mais la différence entre ce que rapporte le placement et l’augmentation des prix (ou le taux d’inflation), ce qu’on appelle le taux d’intérêt réel. Sa formule est la suivante :

TAUX D’INTÉRÊT REEL = TAUX D’INTÉRÊT NOMINAL – TAUX D’INFLATION

Conséquences
On comprend alors que l’inflation tend à réduire le revenu du placement, c’est dire qu’en cas d’inflation forte on n’a guère intérêt à placer et guère intérêt à épargner. On peut donc supposer que l’inflation a plutôt un effet négatif sur l’épargne (ce qui peut poser problème puisqu’on a besoin que les individus épargnent pour pouvoir faire des prêts et notamment pour financer l’investissement).

Du côté de l’emprunteur

Toujours une histoire de CD
Puisque le prêteur est perdant en situation d’inflation, l’emprunteur sera probablement gagnant. Dans ce cas, il faut supposer que vous travaillez régulièrement et que votre salaire suit exactement le taux d’inflation. Supposons que vous gagniez 2 000 euros par mois au mois de janvier et que vous empruntiez 1 000 euros pour acheter les 50 Cd des chanteuses citées ci-dessus (quand on aime, on ne compte pas !). Votre contrat prévoit que vous remboursiez les 1 000 euros en fin d’année avec un taux d’intérêt de 6% par an (en réalité, çà ne se passe pas de manière aussi simple). Vous prévoyez donc de rembourser en fin d’année : 1 000 x 1,06 soit 1 060 euros ce qui représenterait (1 060/2 000) x 100 soit 53% de votre revenu mensuel du mois de décembre. Mais l’inflation a augmenté et votre salaire a suivi selon les trois mêmes cas que ci-dessus (2%, 6%, 12%).
A vous de calculer votre charge de remboursement en pourcentage du revenu pour chacun des trois cas.
Dans le premier cas votre revenu de décembre est de 2 000 x1,02 = 2 040 euros. Votre charge de remboursement est donc de 1 060/2 040 = 52 % de votre revenu de décembre.
Dans le deuxième cas, le revenu est de 2 000 x 1,06 = 2 120 et votre charge de remboursement de 1 060 / 2 120 = 50%.
Dans le troisième cas, le revenu est de 2 000 x 1,12 = 2 240 et la charge de remboursement de 1 060/2 240 = 47,3%.
On le voit, la charge de remboursement en pourcentage baisse à mesure que l’inflation augmente (mais cela à deux conditions : que le salaire augmente comme l’inflation et que le taux d’intérêt soit fixe, c’est à dire qu’il ne change pas en cours de route. En effet, il existe aussi des taux d’intérêt variables qui changent en fonction e l’inflation).

Généralisation
La formule du taux d’intérêt réel s’applique là aussi et on voit qu’un emprunteur peut bénéficier d’un « taux d’intérêt réel négatif », ce qui semble difficile à concevoir. En fait, ce n’est pas très compliqué : supposez qu’un individu emprunte une somme donnée dans l’année1 à un taux fixe de 6% par an et cela fait qu’il doive rembourser 600 euros par mois pendant 10 ans. Supposons que la première année il gagne 2 400 euros par mois (sa charge de remboursement est donc de 25%) et que l’inflation soit de 10 % par an (ce n’est pas absurde puisque c’est la situation qu’on a connue dans les années 1970), le taux d’intérêt réel est bien négatif et il est possible de le calculer.
Taux d’intérêt réel = 6% - 10% = - 4%
Alors il est possible de calculer son salaire et sa charge de remboursement la deuxième année, la troisième année et ainsi jusqu’à la dixième année.
La deuxième année, son salaire est de 2 400 x 1,1 = 2 640 euros et la charge de remboursement est de (600/2 640) x 100 = 22,7%
La troisième année, son salaire est de 2 640 x 1,1 = 2 904 euros et la charge de remboursement est de (600/2 904) x 100 = 20,6%
La dixième année, il gagne par mois : 2 400 x 1,1 puissance 10 = 6 225 euros par mois et ne paie toujours que 600 Euros soit une charge de remboursement de (600/ 6 225) x 100 = 9,6%. La charge de remboursement est donc passée en 10 ans de 22,7% à 9,6% ; elle a été divisée par plus de deux ! C’est ce que signifie un taux d’intérêt réel négatif.

Conséquences
On voit donc que si un faible taux d’intérêt réel n’incite pas à prêter (et à épargner) ce qui n’est probablement pas bon pour le financement de l’investissement mais incite à emprunter, ce qui permet de soutenir la demande (de consommation et d’investissement). Comme souvent en économie, nous avons des effets contradictoire.

 

 

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