GREVES ET CONFLITS SOCIAUX

TEXTE N°1

            Il y a plusieurs manières de parler de la grève. La première est très concrète et égoïste : on s’en plaint quand elle nous gêne mais on l’apprécie quand nos intérêts sont en jeu. On peut cependant essayer de comprendre ce phénomène à d’autres niveaux : on peut, par exemple, essayer d’en comprendre le bien fondé indépendamment des désagréments que cela entraîne : les salariés ont ils eu d’autres possibilités que la grève pour régler leurs problèmes ? Leurs revendications semblent elles réalistes et souhaitables ou non ?

            On peut également analyser la grève comme un instrument parmi d’autres dans le règlement des conflits : négociations, manifestations, « sit-in »,…les moyens ne manquent pas. On peut également s’intéresser aux conflits du travail en général et à leur place dans le fonctionnement de la société. Y a-t-il de plus en plus ou de moins en moins de conflits du travail ? Ceux ci sont il néfastes pour son bon fonctionnement ou vaut il mieux, parfois, « crever l’abcès » ?

            Certes, il y a toujours eu des conflits (révoltes d’esclaves, jacqueries, conflits politiques,…) mais on peut considérer que les conflits du travail au sens moderne du terme commencent avec l’extension du salariat, c’est à dire autour du 19ème siècle. Déjà en 1779 avait eu lieu le mouvement dit du « luddisme » (du nom d’un mythique « général Ludd ») : des ouvriers britanniques du textile entreprirent alors de détruire des métiers à tisser tenus pour responsables de leur chômage mais cette action n’allait pas au delà et n’était pas accompagnée de propositions de la part des ouvriers.

            Trois dates du 19ème siècle sont marquantes : 1830, 1848 et 1871.

E 1830, les canut, c’est à dire les ouvriers lyonnais du textile, et leurs patrons s’opposèrent sur le principe de fixation du prix de leur travail. Il en résulta une véritable insurrection et l’hôtel de ville fut occupé par les ouvriers. Leur révolte fut mâtée et on estime en général que c’est à cette occasion qu’apparut une véritable « conscience de classe » chez les ouvriers, c’est à dire le sentiment de faire partie d’une véritable communauté aux intérêts propres et s’opposant à un « ennemi », le patron. On peut remarquer que cette conscience de classe n'a pas précédé, l'action collective mais en a été le fruit. Comme bien souvent, c'est l'action du groupe qui donne son unité à celui ci et crée le sentiment d'appartenance. Ce qui est important, c'est une contestant le système de fixation de prix, les ouvriers contestent un point essentiel du fonctionnement du système économique et social. Ce n'est plus une contestation "dans" le système mais une contestation "du" système.

            Les deux conflits qui ont eu lieu en 1848 et 1871 (pour leur description, voir les annexes) ont fait l'objet de deux ouvrages de Karl Marx (1818-1848) dans lesquels il élaborera sa conception des classes sociales. Dans le Paris de 1848, Marx distingue huit groupes (ou huit "classes sociales") aux intérêts différents : trois catégories bourgeoises – bourgeoisie financière, commerçante, industrielle- la « petite bourgeoisie » (nous parlerions aujourd’hui de classe moyenne), les paysans, le prolétariat et le « lumpenprolétariat ». Chacun de ces groupes a des intérêts qui lui sont propres et est en conflit avec d’autres : les financiers, par exemple, peuvent se réjouir d’une augmentation des taux d’intérêt, ce qui est néfaste à l’activité des industriels qui ont besoin d’investir. Cependant, Marx estime qu’il ne s’agit que de « fractions de classes » et que les intérêts communs des commerçants et des industriels dépassent de loin leurs oppositions. Finalement, dans l’optique marxiste il n’y a que deux classes fondamentales, mais pour le comprendre, il faut revenir à la façon dont Marx conçoit le fonctionnement économique de son temps.

            Nous savons que Marx a écrit durant la première Révolution Industrielle, lorsque les grandes entreprises commencent à supplanter les petites entreprises dans un vaste mouvement de concentration. La masse de capitaux à mobiliser pour pouvoir produire devient telle que beaucoup sont incapables de suivre. Laminés par la concurrence et les transformations de l’économie, les petits commerçants et les petits agriculteurs n’ont guère d’autres choix que travailler pour autrui, devenir des salariés. Dans cette optique, le devenir de la société devrait être celui d’une opposition croissante entre deux classes sociales, les capitalistes et les prolétaires, les premiers possédant le capital, les seconds étant salariés ; opposition suffisamment forte pour que les marxistes parlent de « lutte de classes ». Pour Marx, le conflit et la lutte sont inhérents à la société ; le conflit majeur est le conflit de classes et il est un facteur primordial de changement de la société.

            Ce détour par Marx est nécessaire car sa pensée, qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, a exercé une influence prépondérante sur le vingtième siècle. Mais, comme pour tout auteur, on peut critiquer ou nuancer ses propos à la lumière du développement des sociétés du 20ème siècle. Trois questions peuvent être soulevées : premièrement, est il vrai que la tendance des sociétés est à la « bipolarisation » en deux classes antagonistes ? Deuxièmement, les conflits du travail sont ils toujours des conflits de classe au sens où l’entendait Marx ? Troisièmement, dans notre société, les conflits du travail sont ils les seuls à prendre en compte ?

            Bien des éléments invitent à dire que Marx s’est trompé lorsqu’il pensait  que le mouvement des sociétés amènerait à des inégalités croissantes et à une opposition de plus en plus forte entre deux classes sociales. D’autres auteurs, eux, ont vu l’apparition d’une ou de plusieurs catégories moyennes s’intercalant entre capitalistes et prolétaires. Ce fut par exemple le cas de Tocqueville qui, en observant les Etats Unis de 1830, considéra que le fait remarquable des sociétés modernes est le nivellement des extrémités sociales (en haut et en bas de la hiérarchie) et un gonflement des positions moyennes : il y a toujours des riches et des pauvres mais les écarts entre très riches et très pauvres devraient être moins importants qu’auparavant ; les sociétés modernes verraient se réduire les situations d’analphabétisme ou d’ignorance absolus mais il y aurait également moins de très grands penseurs ; en contrepartie, tous les hommes auraient un minimum de connaissances. Tout cela serait du, selon Tocqueville, à la « passion des hommes pour l’égalité ».

            Simmel a également vu, dès les années 1890, l’importance des catégories moyennes émergentes car, en permettant des échanges entre le « haut » et le « bas » de la société, elles permettraient à celle ci de fonctionner avec plus de « souplesse » et favoriserait le changement.

            Le XXème siècle a effectivement vu une tendance à la moyennisation de la société et l’émergence de « nouvelles classes moyennes » (employé, cadres- celles ci étant salariées à la différence des « anciennes classes moyennes » - agriculteurs, commerçant, artisans,…) ; il s’agit notamment de certains cadres et des professions intermédiaires, des employés et, selon certains, d’une partie des ouvriers (notamment des contremaîtres) qui auraient vu leur situation s’améliorer. Ce mouvement serait du à l’essor de l’Etat-Providence qui, par la protection sociale, assure  une plus grande sécurité aux individus et, par l’Ecole, plus de chances (relatives) de promotion sociale. C’est du également à l’essor des grandes entreprises lesquelles réclament de plus en plus de cadres.

            Toutefois, cette tendance ne suffit pas à invalider les idées de Marx car on s’aperçoit que dès que l’Etat se retire de l’économie et qu’on laisse fonctionner les mécanismes de marché, la tendance est plutôt à l’accroissement des inégalités.

            Enfin, contrairement à certaines thèses qui ont eu cours dans les années 70 et 80, il n’est pas sûr que l’on assiste à une « disparition de la classe ouvrière ». Par ailleurs, on peut se demander si les conflits du travail se résument toujours à des conflits de classe. En effet, on a régulièrement des actions collectives de camionneurs, d’infirmières, d’enseignants, de gardiens de prison,…Pour des auteurs comme Dahrendorf, on a là des groupes qui défendent des intérêts particuliers et qui, en général, ne débouchent pas sur des « conflits de classe ».

            La dernière question qu’on peut se poser est de savoir si les conflits du travail sont les seuls conflits et sont toujours les conflits essentiels dans notre société. En effet, les années 60 ont vu l’émergence de phénomènes nouveaux : des actions collectives non directement liées au travail qui, jusqu’alors, n’apparaissaient pas comme majeures (mouvements d’étudiants, féministes,…) prennent une ampleur sans précédent. Les Etats-Unis verront le développement des mouvements civiques en faveur des noirs, qu’il s’agisse des actions pacifiques menées par Martin Luther King ou violentes de Malcolm X, et également, dans les années 1966-67, de l’opposition des jeunes à la guerre du Vietnam. On ne peut oublier également les évènements de Mai 68 qui, s’ils ont pris une ampleur particulière en France, ont existé un peu partout dans les pays développés (Allemagne, USA,…) et sont assurément liés à la montée du nombre de jeunes et au « Baby-Boom ».

            Dans les années 70, on va voir se développer des actions diverses : certaines sont liées à des revendications d’autonomie (en Bretagne ou en Corse), d’autres à des évolutions de mode de vie (le manifeste des « 343 salopes » en faveur de l’avortement, les mouvement féministes comme le MLF,…), des mouvements écologistes (conflit du Larzac, luttes antinucléaires,…) parfois même alliant ces divers éléments (le cas de Plogoff en est une bonne illustration) ; enfin, des actions s’appuyant sur la volonté d’affirmer l’existence d’une identité collective. Ainsi, certains enfants d’immigrés ont essayé, au début des année 80, de développer des mouvements visant à montrer leur identité de « beurs » au reste de la société ; ce mouvement fut, hélas, éphémère.

            Dans les années 90, on a vu également certaines de ces actions nouvelles ; les grèves d’étudiants et de lycéens, les mouvements en faveur du PACS (ou  contre lui), les mouvements d’homosexuels, les mouvements « antimondialisation » et, plus classiquement, le fameux mouvement de grève de 1995 (le plus important depuis Mai 1968) s’opposant à la réforme du système de retraite du secteur public.

            Toutefois les conflits du travail classiques n’ont pas pour autant disparu : on peut citer le cas de Lip en 1974, les grèves à la SNCF en 1986, Peugeot en 1988, les mouvements de camionneurs dans les années 1990 ainsi que ceux des infirmières. Enfin, un fait remarquable est de constater que des professions qui avaient jusqu’à présent peu recours à la grève et à la manifestation ont adopté ces pratiques (c’est le cas, par exemple, des professions médicales). Il apparaît donc que si les conflits du travail, et surtout les conflits de classe, existent toujours, ils ne sont plus aussi dominants qu’autrefois.

Comment peut-on expliquer ce développement de conflits d’un genre nouveau ?

L’essor de certains mouvements sont manifestement liés au fait que nos sociétés valorisent de plus en plus le principe d’égalité et qu’on estime que les situations hiérarchiques ne peuvent être acceptées sans légitimité : ainsi, on rejette de plus en plus l’idée que l’autorité de l’homme, en tant que père ou en tant que conjoint, puisse être indiscutée ; les mouvements revendicatifs venant des femmes ainsi que ceux des lycéens et étudiants illustrent bien ce fait.

            Le fait que les mouvements de contestation ayant pour cadre l’entreprise, tout en étant toujours nombreux, sont moins dominants qu’aux 19ème et 20ème siècle se comprend fort bien quand on se rappelle que nous sommes dans une société où la présence du secteur tertiaire est de plus en plus forte (certains parlent de « société post-industrielle »).

            Nous sommes aussi dans des sociétés où, malgré les situations de chômage et de pauvreté qu’on ne peut contester, les hommes sont de moins en moins soumis à l’insécurité fondamentale qui est de ne pas pouvoir manger à sa fin ou d’être soumis à tout instant aux ravages des épidémies. Cela permet aux individus de se tourner vers d’autres aspirations que le besoin immédiat de sécurité. Grâce à un grand nombre de vastes enquêtes, le sociologue R. Inglehart a pu montrer que les pays développés ont atteint un stade « post-matérialiste » où les hommes cherchent de plus en plus à satisfaire de nouvelles aspirations : l’épanouissement personnel, la tolérance, la reconnaissance de son identité individuelle ou collective,… Ce besoin de reconnaissance peut passer par de nombreux moyens (pensez aux activités artistiques, par exemple, mais pensez aussi au déferlement d’émissions télévisées où chacun essaie de dévoiler son originalité et son identité). Aussi ne sera-t-on pas surpris que nombre d’actions collectives portent sur des besoins « post matérialistes : revendication d’une identité particulière (femmes, beurs, homosexuels,…), défense de l’environnement,…

            Enfin, les mouvements « anti-mondialisation » (ou « alter mondialisation ») accompagnent l’ouverture croissante des sociétés sur l’environnement international. On a dit à une époque que les économies avaient les « crises de leurs structures », on pourrait dire également que les sociétés ont les actions collectives de leurs structures.

 

TEXTE N° 2

HISTORIQUE DES CONFLITS SOCIAUX : QUELQUES POINTS DE REPÈRE.

1) Le contexte.

On peut parler de conflits sociaux au sens moderne du terme à partir du 19ème siècle. Comme toile de fond, la Révolution Industrielle, la concentration des entreprises, l'urbanisation, la séparation du travail et du capital.

            - La concentration des entreprises : le 19è siècle est celui des petites entreprises mais déjà apparaissent des géants industriels et le salariat.

            - L'urbanisation : c'est avant tout la concentration des hommes dans un même lieu. Se développent la pauvreté, l'alcoolisme, la prostitution,...

            - Le salariat : l'exode rural, la ruine des artisans, la croissance démographique entraînent un afflux d'hommes qui ne peuvent que vendre leur force de travail aux capitalistes. Avant 1789, il existait des ouvriers et des travailleurs manuels mais ils étaient encadrés par des corporations (regroupant les maîtres, les compagnons et les apprentis). Mais en 1791, on vote le loi Le Chapelier qui, au nom de la liberté individuelle, interdit les regroupements de producteurs. Cela avait pour but de favoriser l'initiative individuelle et l'innovation qui étaient freinées par les systèmes de la corporation, mais en pratique cela aboutit à l'interdiction des syndicats et de la grève.

2) Les conflits sociaux au 19è siècle.

a) Le premier conflit social date de 1831 (Les Canuts).

C'est une révolte des ouvriers de la soie qui sont très qualifiés. Le préfet de Lyon avait signé avec les représentants patronaux un accord augmentant les tarifs auxquels on payait les canuts. De nombreux patrons refusèrent de le faire, entraînant la "Révolte des Canuts". Ceux ci prirent le contrôle de la ville puis furent défaits par l'armée. Les canuts n'obtinrent donc pas satisfaction, mais pour la première fois les ouvriers sentirent qu'ils avaient des intérêts en commun. Une "conscience de classe" apparaissait.

b) 1848 constitue une seconde étape : cette révolte regroupe la bourgeoisie réformatrice et le peuple parisien (ouvriers, artisans,...) contre la grande bourgeoisie incarnée par Louis Philippe et Guizot. La répression sera sévère (des milliers de morts) mais il en résultera le suffrage universel à 21 ans et les "ateliers nationaux" destinés à occuper les chômeurs.

c) 1871 - La Commune de Paris:

Napoléon III capitule le 2/9/1870 et les prussiens envahissent Paris, les parisiens sont appelés aux armes. Après un long siège, Paris capitulait le28/01/1871. Le gouvernement  Thiers s'installe à Versailles mais n'est pas accepté par la population parisienne. Le 26/03/1871 la Commune de Paris instaure une république sociale : égalité des salaires, production par des associations, démocratie ouvrière,... La Commune apparaît comme une véritable illustration de la lutte de classes. En Mai la commune est vaincue mais elle devient un symbole.

d) Le 1er Mai.

A Chicago en 1886, 80 000 ouvriers font grève pour la journée de 8 heures. Les meneurs sont arrêtés et pendus. Dès 1889, on fit du 1er Mai la journée internationale des revendications sociales.

e) Toutefois tout au long du 19 è siècle le mouvement ouvrier s'organise. On instaure des bourses du travail, lieu d'information et d'éducation des ouvriers qui sert en fait de lieu de rassemblement et permet de tourner la loi Le Chapelier.

De plus, le droit de coalition est instauré en 1864 (1824 en G.B.) et autorise, de fait, la grève.

La reconnaissance des syndicats a lieu en 1884 (Loi Waldeck-Rousseau). Donc la combativité des ouvriers est renforcée dans la deuxième moitié du 19ème siècle et leurs revenus s'améliorent (pour ceux qui ont un emploi).

Cet essor de la combativité ouvrière n'est pas seulement français. Aux USA, par exemple, on estime qu'il y a eu plus de 3000 grèves et plus d'un million de grévistes aux USA entre 1881 et 1886 (réf.: M. Beaud " Histoire du capitalisme" p.189 - Point seuil- 1981).

 

3) Au XXème siècle.

a) 1936 est une date phare.

La gauche gagne les élections en Mai 1936 et il se déclenche une série de grèves sur le tas. C'est le 1er exemple d'occupation des locaux.

En Juin 1936, on signe les accords Matignon (conventions collectives, semaine de 40 heures, congés payés, hausse des salaires,...).

b) Grande grève des mineurs en 1963.

De gaulle impose la réquisition mais échoue.

c) L'occupation de LIP en 1974:

LIP (producteur de montres) dépose son bilan en 1974. Les ouvriers refusent, occupent les locaux et continuent de produire des montres qu'ils vendent ("Trésor de guerre"). On considère en général qu'il s'agit du dernier exemple d'un mouvement ouvrier inauguré par la Commune.

d) 1968 mérite une place à part car cela dépasse largement le seul problème ouvrier. Elle démarre des étudiants et est rejointe par les ouvriers et une bonne partie de la population. Se côtoient des revendications classiques (salaires, conditions de travail,...) et d’une volonté de changer le mode de vie (contestation de la société de consommation, émancipation des plus jeunes,...) et des revendications extrêmes ("Il est interdit d'interdire, "soyez réalistes demandez l'impossible",...).

 

Les évènements de Mai 68 en France.

I) Chronologie.

A) 1ère phase : la phase étudiante.

- Le 22 Mars 1968, des étudiants gauchistes (dont Cohn-Bendit) occupent la salle des conseils de la faculté de Nanterre, faculté nouvelle située au milieu des bidonvilles.

- Le 2 Mai, la faculté de Nanterre est fermée. Les étudiants vont alors occuper la Sorbonne, au centre de Paris. Le 3 Mai, la police fait occuper la Sorbonne et arrête plusieurs étudiants.

- Dès lors, il y aura des bagarres entre étudiants et forces de l'ordre jusqu'au point culminant, la "nuit des barricades" du 10 Mai 1968. C'est alors que l'UNEF, syndicat étudiant, et le SNES, syndicat des enseignants, soutiennent le mouvement étudiant.

B) 2ème phase : la crise sociale.

- Le 13 Mai, les partis et syndicats de gauche rallient le mouvement et organisent une grève générale. Par la suite, les grèves avec occupations de locaux vont se multiplier en France, en débutant par Saint-Nazaire et Nantes (Sud Aviation) le 14 Mai et Renault Billancourt le 16 Mai, et ce jusqu'au 27 Mai. Le 24 Mai, on atteindra le nombre de 9 millions de grévistes.

- Le 27 Mai ont lieu les "accords de Grenelle" signés entre les syndicats de salariés et les représentants du CNPF, accords au cours desquels les salariés obtiennent des avancées sur le salaire, les conditions de travail et la reconnaissance des syndicats (le SMIG est relevé de 2,22 F à 3 F de l'heure soit une hausse de 35%, les salaires d'environ 20% en deux temps, la durée du travail est réduite,...). Ces accords sont signés notamment par la CGT mais les salariés de Renault rejettent ces accords, ce qui montre bien que les syndicats sont dépassés par leur base.

C) 3ème phase : la crise politique.

- Le pouvoir gaulliste semble remis en cause : le 28 Mai, F. Mitterrand, représentant de la gauche, réclame la formation d'un "gouvernement provisoire" présidé par P. Mendès-France.

- Les 29 et 30 Mai, le général De gaulle disparaît, on songe à un abandon du pouvoir. En fait, Degaulle est parti retrouver le général Massu à Baden-Baden (Allemagne).

- Le 30 Mai, il dissout l'assemblée Nationale et organise de nouvelles élections législatives. Les français, lassés du mouvement et apeurés, votent massivement pour la droite qui obtient plus de 75 % des sièges. La gauche est laminée (ce qui explique le résultat de 5% des voix des socialistes aux présidentielles de 1969 et la nécessité de créer un nouveau parti, le "parti socialiste").

II) Les visages de la crise.

- C'est d'abord une contestation purement estudiantine qui concerne les conditions de vie des étudiants.

- C'est également une contestation "spirituelle" où on remet en cause la société de consommation et où le désir de parler devient important. Les slogans et les graffitis de Mai sont, à ce titre, parlants ("Sous les pavés, la plage.", "Il est interdit d'interdire",...).

- C'est, du côté des ouvriers, une contestation classique où on réclame des améliorations sociales.

III) Les explications de la crise.

Comment expliquer la crise de Mai 68 qui prit une ampleur particulière en France mais se retrouva dans la plupart des pays développés?

A) C'est une crise de l'Université qui a du mal à faire face à l'afflux important de nouveaux étudiants, issus des classes moyennes (et non plus des catégories supérieures comme auparavant), et qui craignent un chômage croissant (mais très faible par rapport à aujourd'hui).

B)Une révolte de la jeunesse due à l'afflux des "classes pleines" issues du Baby Boom.

C) Une "crise de civilisation" où l'essentiel est la contestation de la société de consommation.

D) Un mouvement social de type nouveau où les catégories les plus contestataires ne sont plus les ouvriers comme au 19ème siècle mais les étudiants. Cela s'expliquerait par la transformation de la société où les activités intellectuelles et le secteur tertiaire deviennent de plus en plus importants, au détriment des activités industrielles et du secteur secondaire.

E) Une crise politique qui remet en cause la trop grande rigidité des institutions de la 5ème République et la concentration du pouvoir vers l'exécutif bicéphale.

F) Un enchaînement de circonstances : l'importance de la crise serait due à la succession de maladresses de la part du gouvernement.

 

e) Des années 70 aux années 90.

Les années 70 seront marquées par des mouvements dont le mouvement ouvrier est absent et dont les revendications ne sont seulement pas liées à un intérêt matériel direct mais à des objectifs plus généraux : opposition à l’armée, au nucléaire,...

1) Le conflit du Larzac.

Une « coalition » de bergers, de «néo ruraux », de militants d’extrême gauche ou écologistes s’opposent à l’extension du camp militaire du Larzac. Cela provoquera des rassemblements extrêmement importants.

2) Plogoff[1].

3) 1986 (chemins de fer).

4) 1995 (secteur public) : en 1995, le premier ministre, Alain Juppé, présente ses projets de réforme du système de retraite. Cela déclenche la plus grande vague de manifestations et de grèves depuis Mai 1968. Cette grève est exclusivement le fait des personnels du secteur public (fonctionnaire, enseignants, SNCF,...) mais elle semble avoir reçu le soutien d’une grande partie de la population.

5) 1997 : des familles descendant dans la rue (avec bébés et poussette) pour protester contre un projet de réforme des allocations familiales. Il faut également signaler les premiers mouvements importants de chômeurs.

6) 1999 : mouvement d’opposition aux accords de l’OMC et à la « mondialisation » dans la ville américaine de Seattle. C’est un des premiers exemples de mobilisation internationale.

7) L’année 2002 est marquée par des évènements majeurs, à savoir des mouvements de revendication (manifestations,...) de la part des militaires, gendarmes et policiers qui n’ont pas le droit de grève et qui, surtout, n’ont pas de tradition revendicative. Cela montre bien que la revendication et les « démonstrations de rue » sont entrées dans les mœurs et font maintenant partie du fonctionnement normal de la démocratie.

8) D’une manière générale les années 70 et 80 verront la montée de deux grands phénomènes.

- Les « nouveaux mouvements sociaux » liés à la société « post industrielle » : mouvements féministes, régionalistes, antinucléaires, d’enfants d'immigrés,...

- La contestation faite par des professions peu engagées auparavant : médecins, infirmières, routiers,....

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] On pourra trouver une description détaillée de ce conflit dans « quatre exemples de conflits sociaux » - DEES n°113.

 

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