ANTOINE EST EXASPERE PAR LES GREVES

ANTOINE EST EXASPERE PAR LES GREVES.

            Antoine attendait depuis plus de vingt minutes qu'arrive son métro. Encore une grève! Encore des retards à son travail qui risqueraient de lui être préjudiciables. Décidément les français sont toujours en grève et le sont de plus en plus ! Même les touristes étrangers le disent, eux qui se cassent le nez devant les musées fermés pour cause de grève. « Et en plus, ce sont les plus privilégiés qui font grève : les gars de la RATP, de la poste…et les profs, tiens les profs ! Toujours en grève ceux là ! »

            Antoine ne pensait pas autrement qu’une grande partie des français, avec ce comportement schizophrénique qui consiste à comprendre qu’on fasse grève et, en même temps, à détester les grévistes quand ils vous causent du désagrément.

            Pourtant il serait étonné d’apprendre que ses réactions sont le produit d’un mélange d’idées justes, d’idées déformées et d’idées franchement erronées. C’est là un des apports les plus passionnants de la sociologie quand elle permet de réaliser la distance énorme qu’il y a parfois entre un phénomène et sa perception. Ainsi, il n’est pas vrai que les français fassent de plus en plus grève (regardez les statistiques jointes), malgré la nette reprise des conflits depuis 1995 ; en effet, les statistiques montrent qu’il y a un net déclin depuis 1974 et même depuis 1945, pourtant tout le monde dit le contraire.

On peut expliquer une telle contradiction apparente par le fait que ce ne sont pas les mêmes activités qui étaient les plus touchées par les grèves dans les années 50 et aujourd’hui : dans les années 50 l’essentiel de la production était le fait du secteur industriel et il y avait donc des grèves surtout dans le secteur automobile, dans les charbonnages,…mais celles ci étaient moins connues parce que moins « médiatisées » et, surtout, elles dérangeaient moins le public car un arrêt de la production (d’automobiles par exemple) ne pouvait gêner les français qu’à partir du moment où les stocks sont épuisés ; il faut donc que l’arrêt de travail soit long. Aujourd’hui nous sommes dans une économie où le secteur tertiaire est beaucoup plus développé et, par définition, on ne fait pas de stocks de services. Dans ce cas, un arrêt de travail sera immédiatement ressenti par le consommateur : le voyageur ne pourra pas prendre le métro ou le train, le parent d’élève ne saura pas quoi faire de son enfant, le téléspectateur sera privé de son feuilleton préféré,… Ce que ressent Antoine, ce n’est donc pas l’augmentation des grèves mais c’est l’augmentation des grèves qui le gênent (à cet égard, il peut être amusant de comparer les statistiques d’arrêt de travail des professeurs à ce qu’estiment les parents et ce qu’estiment les élèves, qui sont en général peu dérangés par les grèves de profs).

Ajoutons à cela que les conflits sociaux sont beaucoup plus médiatisés qu’autrefois et que les grévistes eux mêmes jouent sur ce registre en entreprenant les actions les plus spectaculaires pour faire parler d’eux.

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