Le coût de la vie - Perceptions de l'argent

Un TD sur la monnaie à partir du film
"Le coût de la vie" et à partir de l'ouvrage de
G SIMMEL "Philosophie de l’argent"

(Thierry Rogel – Lycée Descartes de Tours)

Présentation de la séquence de cours.

Cette séquence repose sur l’utilisation du film « Le coût de la vie » de Philippe Leguay. Ce film présente, sous forme de saynètes, les diverses attitudes possibles à l’égard de l’argent qui ne sont pas sans lien avec une attitude plus générale à l’égard de la vie. Ainsi, Lucchini est un individu incapable de donner, avare, célibataire et constipé. Vincent Lindon est à l’inverse un homme qui doute de l’amour qu’on lui porte et ne cesse de donner aux autres pour se rassurer. Isild Le Besco est une jeune héritière écrasée par l’argent,… Cela permet donc d’entrer dans le chapitre sur la monnaie par ses aspects « psychologiques ».
Ce film rappelle de nombreuses pages écrites par Georg Simmel dans la « philosophie de l’argent ». Comme il s’agit d’un livre difficile, absolument inaccessible à un élève, j’ai joint une fiche de lecture spécialement réécrite ne reprenant que les aspects du livre accessible (certaines idées comme l’essor de la valeur humaine ne me semble pas à la portée d’un élève, même réécrites). (Toutefois, certains passages, comme « le nivellement des valeurs » n’ont pas été faciles pour les élèves. Je les laisse tels que je les ai fournis mais ils gagneraient sans doute à être simplifiés).
Vous trouverez donc ci-dessous les documents et les questions posées aux élèves. J’ai ajouté en fin de TD des éléments de réponse plus les thèmes que j’ai pu aborder en cours avec les élèves au cours de la discussion.

LE COÛT DE LA VIE

QUESTIONS :
1) Pour chacun des protagonistes du film cités ci dessous vous déterminerez quel est leur rapport à l’argent et si cela renvoie à leur attitude en général à l’égard de la vie.

BRETT/ LUCHINI (Le cadre) .............................................................................................................................................................................................................................................

COWAY/LINDON (Le patron du restaurant)....................................................................................................................................................................................................................

LAURENCE/LEBESCOT (La jeune fille riche)................................................................................................................................................................................................................

PATRICK/DEUTSCH (Le plongeur du restaurant).........................................................................................................................................................................................................

HELENA/PAILHAS (La call-girl) ........................................................................................................................................................................................................................................

DE BLAMONT/RICH (Le chef d’entreprise) ...................................................................................................................................................................................................................

LE BANQUIER/ VUILLERMOZ ...........................................................................................................................................................................................................................................

LA DAME CORPULENTE ...................................................................................................................................................................................................................................................

LES DEUX CADRES COLLEGUES DE BRETT..............................................................................................................................................................................................................

QUESTIONS :
2) Lisez le chapitre du texte de Simmel intitulé « Les attitudes face à l’argent » et replacez, quand c’est possible, chaque personnage du film dans la « chaîne téléologique » (« possession d’argent ==> dépense ==> jouissance de l’objet »).
3) Lisez le chapitre du texte de Simmel intitulé « Les attitudes face à l’argent » et replacez, quand c’est possible, chaque attitude répertoriée dans la « chaîne téléologique » (« possession d’argent ==> dépense ==> jouissance de l’objet »).

LES EFFETS DE L’ARGENT SELON GEORG SIMMEL
NOTES SUR « LA PHILOSOPHIE DE L'ARGENT " DE GEORG SIMMEL.

Georg Simmel (1858- 1918 ) est à la fois philosophe et sociologue mais son ouvrage le plus connu porte sur un objet économique, l’argent. Alors que les économistes n’aiment pas utiliser le terme « argent » et parlent plutôt de « monnaie », les sociologues ont pris l’habitude, depuis Simmel, de parler d’argent pour désigner le fait qu’il ne s’agit pas d’un problème seulement économique. Ainsi, la monnaie a des fonctions économiques – elle permet d’acheter des biens par exemple – et les économistes ne s’intéressent qu’à ces fonctions ; en revanche, les sociologues estiment qu’on doit s’intéresser aussi aux éléments non économiques de l’argent comme, par exemple, le pouvoir qu’il donne.

Dans « La philosophie de l’argent », livre long (660 pages) et complexe, Georg Simmel essaie de mettre en évidence les relations que l’utilisation de plus en plus importante de l’argent entretient avec les divers aspects de l’évolution de la société : les relations avec des phénomènes économiques comme l’échange, la valeur ou le niveau des prix mais aussi des phénomènes sociaux comme la mode, l’essor de la liberté individuelle ou les relations de pouvoir entre individus ou encore avec des aspects culturels comme l’émergence de l’idée de personne ou bien psychologiques comme le type d’attitude que chacun développe à l’égard de l’argent.

Cela oblige donc Simmel à ne pas se cantonner à une seule discipline : au cours de son ouvrage, il se fait aussi bien sociologue qu’économiste, « psychosociologue » (avant l’heure) ou philosophe : en effet il passe, selon son habitude, d'une approche philosophique à une approche sociologique .

Nous n’aborderons pas ici tous les aspects du travail de Simmel, dont certains sont hors de portée d’un élève de lycée, mais seulement les aspects propices à une meilleure compréhension des phénomènes monétaires en classe de première.

Les attitudes face à l’argent.

Georg Simmel va s’intéresser aux diverses attitudes liées à l’argent, et dresser ainsi quelques profils psychologiques typiques. Il le fait à partir de l’élaboration de ce qu’il appelle une « série téléologique » c’est à dire la succession d’étapes qui mènent d’un point de départ à son objectif ultime. Par exemple, la « série téléologique » liée à l’argent est le fait que la possession d’argent permet sa dépense donc l’acquisition de biens qui assure une certaine satisfaction. On peut représenter la « chaîne téléologique » de la façon suivante :

« possession d’argent ==>dépense ==> jouissance de l’objet ».

Il arrive cependant qu'il y ait rupture de la série téléologique de base, le point de la chaîne où a lieu la rupture engendrera un comportement psychologique particulier. Ces dispositions psychologiques seront les suivantes :

  • la cupidité (quand la chaîne est rompue dès l'origine) : l’objectif de l’individu n’est alors pas jouissance de l’objet mais le désir de possession de l’argent pour lui-même.
  • L'avarice (si les possibilités de jouissance prodiguées par l'argent ne sont jamais réalisées mais demeurent intactes dans leur virtualité) : l’objectif est alors de garder l’argent possédé.
  • La prodigalité (quand la jouissance n'est pas dans l'objet mais est dans la dépense elle-même).
  • La pauvreté ou le dénuement (lorsque cela traduit la recherche du salut de l'âme par le refus de l'argent).

Cependant deux dispositions qui retiennent particulièrement l'attention de Simmel (probablement parce que correspondant le plus au cas de la métropole moderne) :

  • La figure du cynique : celui-ci met volontairement sur le même plan les valeurs les plus hautes et les plus basses de la vie.
  • Celle du blasé : pour lui, comme pour le cynique, « tout se vaut » et rien ne vaut plus rien. Mais à la différence du cynique il n’adopte pas volontairement cette attitude.

Pour Simmel, les deux attitudes du cynique et du blasé sont typiques des sociétés modernes où l’argent tend à devenir l’objectif ultime des individus au détriment des autres valeurs.

L’argent et le pouvoir.

L’argent est traditionnellement caractérisé par ses fonctions économiques – que Simmel rappelle- mais il ne peut être réduit à celles ci. Dans la société, la seule possession de l'argent apporte des avantages qui accroissent sa valeur, avantages que Simmel nomme "Superadditum".

Ces superadditum sont d'abord liés aux caractéristiques spécifiques de la monnaie - équivalent général, mobilité, non périssabilité - qui le rendent aussi précieux que le bien le plus précieux. En effet, un homme peut être très riche et posséder, par exemple, des terres, un château et des chevaux, il sera limité dans sa liberté d’action. S’il désire par exemple, avoir une automobile, il lui faudra vendre une de ses terres mais il n’est pas certain qu’il trouvera un acheteur intéressé alors que n’importe qui acceptera de la monnaie. S'il désire changer d’environnement, il ne pourra pas se déplacer alors qu’il aurait pu le faire s’il était seulement possesseur de monnaie. Par conséquent même si l’ensemble des biens qu’il possède vaut, par exemple, 1 million d’euros, 1 million d’euros en monnaie sera toujours plus précieux au regard des avantages qu’il apporte (en l’absence, bien sûr, d’inflation).

De plus, dans l'échange monétaire, l'avantage est toujours au possesseur d'argent par rapport au possesseur de marchandises puisque le possesseur d’une marchandise périssable, par exemple, ne pourra pas toujours attendre de vendre, alors que le possesseur de monnaie est en mesure de le faire. Donc, pour Simmel, l'échange monétaire n'est pas de nature égalitaire.

D'autres superadditum ne sont pas directement liés à l'échange : l'acquisition facile de l'objet et la jouissance immédiate sont réservées aux plus riches (« on ne prête qu’aux riches », dit-on). Par ailleurs les plus riches bénéficient de considérations et de faveurs particulières liées à la seule possession de l'argent. Enfin (Simmel écrit au début du siècle), seuls les plus riches peuvent accéder au mépris aristocratique de l'argent et, parallèlement, aux postes publics non rémunérés mais prestigieux. La possession de l'argent permet alors d'accéder à la considération liée au dédain de l'argent (cette attitude peut sembler étrange aujourd’hui mais était typique des sociétés européennes jusqu’à la fin du 20 ème siècle)..

L’argent et la liberté.

L'usage de l'argent est également un instrument puissant qui permet l'essor de la liberté des hommes face aux choses et aux autres hommes.

En effet, contrairement à l’argent, les objets limitent la liberté humaine de deux manières :

  • Par sa nature propre un objet en particulier impose à l'individu un comportement déterminé puisqu’un objet n’a que quelques usages possibles. Ainsi, le propriétaire d’une machine ne pourra pratiquer que les activités permises par cette machine.
  • Mais surtout, et c'est en cela que Simmel reste actuel, la multiplication des objets, dans une période où la production de masse commence à apparaître, limite la possibilité de l'individu de les contrôler tous. Si nous pouvons rester libre à l'égard d'un objet, nous sommes de plus en plus dépendants des objets dans leur ensemble : nous possédons de nombreux objets mais que pouvons nous faire quand notre voiture tombe en panne ou notre ordinateur «  bugue ».

De tous les objets, un seul, l'argent, est suffisamment malléable pour autoriser tous les usages et toutes les activités et il est donc celui qui limite le moins la liberté de l’individu.

Pour saisir les effets libérateurs de l'argent il faut voir que la liberté, pour Simmel, comporte deux faces : une face positive qui correspond à l'accroissement des possibilités de l'individu (ce que nous venons de voir) et une face où la liberté n'est pas l'absence de la contrainte mais l'impersonnalisation de cette contrainte. Ainsi, le serf avait peu de relations d’argent avec son seigneur (les impôts étaient surtout fait en nature) et était entièrement et personnellement soumis à celui ci. Dès lors que l’usage de l’argent s’est développé, le serf a pu s’acquitter de ses impôts et accumuler un peu d’épargne ce qui lui a permis peu à peu, de se libérer de la tutelle du seigneur.

  • Cependant des mouvements contraires vont accompagner cette émergence de la liberté individuelle. De manière similaire à notre relation aux objets, la division du travail (renforcée par l'usage de l'argent) nous libère de chaque individu en particulier mais nous rend plus dépendants de l'environnement socio-économique. Ainsi le salariat permet à l'individu de se libérer de la tutelle personnalisée que constitue le servage mais expose en même temps aux aléas des mouvements de salaire. L'argent a bien donc des effets destructeurs pour la liberté mais c'est, d'après Simmel, une étape obligée avant d'atteindre le stade où l'argent a des effets libérateurs.

L’étranger, dans et hors du groupe.

Simmel, philosophe juif qui a été longtemps écarté des postes universitaires à cause de ses origines, accordait une importance toute particulière à celui qui se trouve « en dehors » de la société que ce soit volontairement ou involontairement : on va bien entendu penser au marginal ou à l’exclu (le clochard, le vagabond,…) mais Simmel envisage d’autres cas comme le commerçant itinérant qui passe de village en village, l’étranger qui s’installe dans un pays ou une région, l’idiot du village qui est mis à part,…tous ces personnages ont la particularité d’être à la fois dans le groupe et en dehors du groupe et il va utiliser, pour les qualifier, le terme « d’étranger ». L’étranger n’est donc pas seulement celui qui est d’une autre nationalité mais celui qui est dans le groupe et en dehors du groupe. Simmel va s’intéresser à trois figures historiques de l’étranger particulièrement liées à l’argent : le commerçant itinérant (ou l’importateur), le spéculateur et le juif.

Pour lui, l’argent entretient des relations particulièrement étroites avec l’étranger par sa mobilité et sa possibilité d’être caché, ce qui va parfaitement bien avec la position instable de l’émigré. De plus, l’étranger, n’ayant pas de propriétés (immobilière ou terrienne par exemple) sur place ne pourra monter socialement que par la possession d’argent.

Enfin, plus subtilement, Simmel remarque que l’étranger et l’argent ont le même caractère d’impersonnalité. L’argent est impersonnel dans le sens où un billet en vaut un autre et que dans l’échange marchand on ne s’intéresse pas à la personnalité de celui qui échange avec vous. L’étranger est perçu comme impersonnel dans la mesure où, comme on ne le connaît pas, on ne le perçoit pas comme un individu particulier, il n’est donc ni ami ni ennemi, mais comme le représentant d’une catégorie.

Il est alors important de remarquer que cette « impersonnalité » (cette impression d’anonymat) est une tendance majeure que l’on rencontre dans les sociétés modernes. Simmel prédit donc que l’avenir des sociétés sera à l’extension de l’usage de l’argent et à la mobilité croissante des individus. Notons notamment, que l’établissement d’un prix de marché par la confrontation de l’offre et de la demande est un établissement qui se fait de manière impersonnelle entre des personnes qui ne se connaissent pas ; l’échange de marché supplante alors les échanges entre membres d’une même communauté (où on fait des « prix d’ami ») et les échanges avec l’ennemi ou l’adversaire où on met les prix maximum (« prix d’ennemi »)

L’argent et les communautés.

Enfin l'argent a à la fois des effets destructeurs et des effets créateurs pour les communautés. Il favorise les échanges sociaux où l'on n'a pas besoin d'engager la totalité de sa personnalité –(le cas le plus typique étant celui de la constitution des sociétés par actions) – et permet donc l'association de personnes différentes ainsi que le développement des liens à distance, ce qui aurait été impensable auparavant. De plus, en permettant des contacts avec autrui où l'on n'engage qu'une partie de sa personnalité et non sa totalité, il rend possible la coexistence dans les grandes agglomérations qui serait impossible autrement. En effet, dans les petites communautés (comme un village) on a besoin de s’entendre avec ceux avec qui on vit ce qui n’est pas le cas dans une grande ville. Mais dans les grandes villes, on ne connaît pas la plupart de ceux avec qui on échange, l’usage de la monnaie devient alors indispensable.

- Cependant, l'argent a également des effets destructeurs quand il dissout les liens proches, de type communautaire (ainsi, l’aide de voisinage se réduira à mesure que les relations marchandes avec les commerces locaux se développeront). Il tend donc à détruire les relations fondées sur l'investissement (au sens non économique du terme) de la totalité de la personnalité des individus. En se développant dans tous les secteurs de la société l'argent ne sauvegarde que deux domaines d'investissement affectif - les rapports individuels (famille, amitié) et les grandes communautés (patrie, humanité).

L’argent et le nivellement des valeurs.

L'effet destructeur de l'argent qui inquiète le plus Simmel est manifestement celui qui touche la distinction. Il entend par ce dernier terme le fait qu’un objet ou qu’un individu ne peut pas être comparé à un autre. Par exemple, un objet que vous avez reçu de votre oncle ou de votre grand-père a une valeur inestimable en ce qu’il est unique à vos yeux. En revanche, un objet qui peut être échangé contre de l’argent, qui peut être marchandisé, devient accessible à tous mais perd de ce caractère unique. L’échange monétaire, en réduisant l’objet à une valeur marchande et en favorisant la production industrielle, favorisera cette tendance au déclin de la distinction de l’objet. L’effet sera encore plus notable dans le cas de la culture ou de la pensée,…(Simmel écrit en 1905 mais pensez à la situation actuelle).

De même, l’échange monétaire associé à l’individu, dans le cadre du salariat par exemple finit par rendre chacun identique à chacun.

Donc, non seulement l'argent favorise la comparaison entre les éléments en réduisant tout à une valeur monétaire mais il tend surtout à développer la comparaison sur les qualités les moins élevées. Le risque de nivellement par le bas fait clairement partie des inquiétudes essentielles de Simmel. Celui-ci pensait à l’époque que seule deux domaines seraient épargnés par ces effets nivélateurs de l’argent, la culture et le corps. On voit qu’au moins sur ce point, il s’est trompé.

ELEMENTS DE REPONSE

QUESTIONS :

1) Pour chacun des protagonistes du film cités ci dessous vous déterminerez quel est leur rapport à l’argent et si cela renvoie à leur attitude en général à l’égard de la vie.

BRETT/ LUCHINI (Le cadre) : Brett est maladivement avare mais capable de dépenser beaucoup pour lui-même (coût de son appartement). Sa solitude et sa tendance à la constipation sont d’autres illustrations de son incapacité de donner.
COWAY/LINDON (Le patron du restaurant) : il est prodigue et dépensier, a beaucoup d’ambition mais est peu rationnel. Cela traduit son besoin d’être aimé et reconnu
LAURENCE/LEBESCOT (La jeune fille riche) : Écrasée par la richesse, sensible à la stigmatisation dont elle peut faire l’objet.
PATRICK/DEUTSCH (Le plongeur du restaurant) : se dit « dépensier » mais pas à la manière de Coway ; il est relativement libre dans son rapport à l’argent mais n’en voit que les aspects libérateurs d’où sa difficulté à comprendre Laurence.
HELENA/PAILHAS (La call-girl) :certains élèves l’ont qualifiée de “cupide” car elle accumule l’argent. Il me semble plutôt qu’elle affiche une certaine indifférence à son égard ; elle représente peut être même la figure du « blasé » mise en évidence par Simmel. Elle traite l’argent avec la même indifférence que pour les rapports sexuels (compte tenu de sa profession).
DE BLAMONT/RICH (Le chef d’entreprise) : Pour lui, l’argent est synonyme de pouvoir. C’est l’image même du cynique dont parle Simmel.
LE BANQUIER/ VUILLERMOZ : il est animé par l’amour de l’argent pour l’argent. En parle comme d’un être vivant. On peut le qualifier de « cupide » dans le sens où ce n’est pas la possession mais l’accumulation de l’argent qui l’intéresse.
LA DAME CORPULENTE : humour et distance à l’égard de l’argent (mais l’argent est tellement loin qu’elle ne peut pas faire autrement qu’être distante).
LES DEUX CADRES COLLEGUES DE BRETT : pour eux, me semble-t-il, l’argent est d’abord un serviteur. Leur discussion sur l’intérêt d’avoir recours à une prostituée montre comment l’argent peut participer à l’impersonnalisation des relations.

On voit le lien assez étroit existant entre l’argent et les relations et surtout entre l’argent et l’amour (au sens large du terme : amour, amitié, sexualité).

QUESTIONS :

2) Lisez le chapitre du texte de Simmel intitulé « Les attitudes face à l’argent » et replacez, quand c’est possible, chaque personnage du film dans la « chaîne téléologique » (« possession d’argent ==> dépense ==> jouissance de l’objet »).
3) Lisez le chapitre du texte de Simmel intitulé « Les attitudes face à l’argent » et replacez, quand c’est possible, chaque attitude répertoriée dans la « chaîne téléologique » (« possession d’argent ==> dépense ==> jouissance de l’objet »).

(N.B. : je donne les réponses sous forme de textes et non en utilisant le schéma ci dessus).

Simmel distingue plusieurs attitudes face à l’argent :

+ L’attitude supposée normale est celle de l’individu qui cherche à posséder de l’argent de façon à accéder à la dépense et acquérir un bien dont l’usage lui procurera satisfaction. C’est ce qui se passe s’il parcoure l’ensemble de la chaîne téléologique. Mais cette chaîne peut se couper divers points.
+ Le désir de pauvreté ou de dénuement (le moine, l’ascète, le militant,... mais aussi Laurence dans le film) : ici l’argent apparaît comme dangereux ou corrupteur ; la chaîne téléologique est coupée dès son origine (avant même la « possession d’argent »).
+ La chaîne peut se couper au début de la possession d’argent : l’individu trouvera toute satisfaction dans l’acquisition de l’argent ; il s’agit du cupide (le banquier du film).
+ Presqu’au même niveau, nous avons celui qui, possédant de l’argent, n’arrive pas à le lâcher. C’est l »’avare (Lucchini)
+ La chaîne peut s’arrêter à la dépense : c’est la figure du « prodigue » ou du dépensier (Coway).
+ La chaîne peut s’arrêter juste après la dépense (l’individu n’aura aucune satisfaction dans la possession des biens). Deux cas correspondent à cela. Le premier cas correspond au « blasé » pour qui tout vaut tout parceque la vie n’a plus de goût. Mis en évidence par Simmel ce cas est proche du « consommateur compulsif » cité plus loin qui consomme parce que les biens acquis antérieurement ne tiennent pas leurs promesses. (Elena/Pailhas se rapproche-t-elle de ce cas ?).
+ L’autre cas est celui du « cynique » qui sait bien que tout ne se vaut pas mais qui aimerait tout ramener au même niveau. Pouvoir acheter tout et tout le monde est la meilleure manière d’atteindre cet objectif. De Blamont/Rich en est une figure exemplaire
+ Très proche du précédent, nous avons le « consommateur compulsif » qui trouve satisfaction dans la possession des objets qu’il n’utilisera peut être même pas (celui qui achète le dernier lecteur Dvd, le dernier ordinateur). Il est curieux de constater que ce personnage n’est pas présent dans le film de Leguay et n’est pas mentionné par Simmel alors même que c’est une figure actuellement dominante.

QUESTIONS SUR LA SUITE DU TEXTE DE SIMMEL (ces questions sont intégrées dans une deuxième partie du cours consacrée à une « analyse sociologique de l’argent »).
4) En quoi l’usage de l’argent transforme-t-il les liens sociaux ?
5) Que signifie l’idée que l’argent nivelle les valeurs ?

Les discussions en cours avec les élèves ont permis d’aborder d’autres thèmes relatifs à l’argent et à l’échange. Nous avons pu voir, par exemple, que lorsqu’ils vont à plusieurs prendre un café, le fait de partager l’addition et de payer chacun sa part est économiquement semblable au fait que chacun invite les autres (à charge pour les autres d’en faire autant plus tard). Cependant, si c’est économiquement semblable, la signification sociologique est totalement différente. On peut alors aborder le thème du Don (et du Potlatch) et avoir recours, par exemple, à l’exemple du vin qu’on s’offre mutuellement –(cf Levi Strauss). On peut également montrer que , dans le film, les deux cadres, collègues de Brett, ont mis en place ce système où chacun invite les autres et que l’incapacité de Brette à le faire casse la relation. On peut montrer également que ce système marche parce qu’on sait que les autre rendront l’invitation mais le rappeler (rendre la règle explicite) casserait également la relation. C’est là une manière d’entrer dans le chapitre sur l’échange.

Ajouter un commentaire