Raymond BOUDON - EFFETS PERVERS ET ORDRE SOCIAL - PUF- 1977

EFFETS PERVERS ET ORDRE SOCIAL

Raymond BOUDON

- PUF- 1977

EFFETS PERVERS ET CHANGEMENT SOCIAL

L’auteur ne rejette pas les hypothèses portant sur le rôle des conflits, des changements de valeur voire d’imitation dans la genèse du changement social mais il pense qu’il convient de privilégier la question des effets pervers. Il montre par exemple les effets pervers de la démocratisation scolaire sur les inégalités sociales (Thurow), de l’action collective (Olson), de l’oligarchie (« loi d’airain de l’oligarchie » chez Michels), les effets de ségrégation (Schelling),… enfin il rappelle que le contrat rousseauiste peut se lire comme une manière de surmonter les effets pervers des actions individuelles et que, selon Buchanan et Tullock, la réduction des effets pervers peut se révéler plus coûteuse que ces effets pervers.

INSTITUTION SCOLAIRE ET EFFETS PERVERS

Boudon montre comment Mai 68 pourrait s’expliquer par ces mêmes effets pervers. La démocratisation de l’enseignement précédant 1968 a entrainé une réduction du rendement des diplômes et le primat de la sélection sur l’orientation ainsi que l’absence de contrôle de flux des entrées ont abouti à une certaine désorganisation du système. Boudon pense que les réformes d’après 1968 sont le produit d’erreurs d’interprétation : on a cru à une révolte contre l’autorité alors que c’était avant tout le résultat de la baisse du rendement des diplômes et de la faible identification des étudiants au système. En conséquence, la volonté de faire participer les étudiants aux conseils d’administration a eu peu de succès. De leur côté, les professeurs, face à la désorganisation de l’université, ont délaissé certaines de leurs fonctions et se sont repliés soit sur leurs travaux de recherche soit sur des travaux spectaculaires et fragile à destination du grand public.

EXPLICATION DE LA LOGIQUE DE LA FRUSTRATION RELATIVE.

Raymond Boudon reprend les thèses de la frustration relative déjà abordées par Tocqueville, Durkheim ou Stouffer (« American Soldier ») et considère que ce phénomène ne peut pas être expliqué, comme on l’a fait jusqu’alors, par les concepts de privation ou de groupe de référence. Pour lui, la thèse de la frustration relative est conditionnelle et il en propose un modèle fondé sur le couple « contribution / rétribution ».Par exemple, dans le cas d’une loterie, plus les chances de gain sont grandes, plus il ya de joueurs et pus rapport joueurs/gagnants est fort ; la frustration relative sera donc forte. A l’inverse, si les chances de gains sont faibles, les joueurs réduiront leur mise ou ne jouent pas ; la frustration relative sera donc faible. Globalement, le taux de frustration relative a tendance à monter avec le rapport « Espérance de gain/mise de fond ». En fait la frustration relative suit une courbe spécifique : elle augmente avec le nombre de gagnants jusqu’à un maximum puis régresse et plus l’espoir de gains est élevé, plus ce maximum correspondra à un faible nombre de gagnants. Si, dans un deuxième temps, on introduit deux catégories de joueurs (les « riches » et les pauvres par exemple), les pauvres dont la mise relative est plus élevée et la chance de gains plus faible s’abstiendront de jouer ce qui réduit le niveau global de frustration relative et aboutit à une reproduction de la structure sociale. En conclusion, l’augmentation de l’enrichissement ou de la mobilité sociale peut être à l’origine des variations de la frustration relative (à la hausse ou à la baisse) suivant la structure de jeu en cause.

PHILOSOPHIE DE RAWLS.

Boudon conteste la thèse de Rawls dans ses hypothèses et prend l’exemple de la démocratisation scolaire pour montrer que la démocratisation de l’enseignement aboutit à un accroissement des inégalités de revenus ; d’après lui cela tient au fait que la dévalorisation du rendement des diplômes n’est pas la même suivant le niveau de diplôme.

DETERMINISMES SOCIAUX ET LIBERTE

Boudon retient deux grandes familles de paradigmes sociologiques, les paradigmes déterministes (ou causaux) et les paradigmes interactionnistes recouvrant plusieurs sous groupes.

Paradigmes déterministes

 

Hyper fonctionnalistes

Hyper culturalistes

Réalisme totalitaire

Déterminisme méthodologique

Réduction du paradigme

Mertonien

Weberien

Tocquevillien

 

Caractéristiques

 

Accent sur les rôles, normes et valeurs

Intéririsaton des normes et valeurs

La structure de jeu est suffisamment fermée pour que l’action soit déterminée pour que l’action soit déterminée

Le déterminisme est seulement descriptif et probabiliste

Exemples

 

Bourdieu

 

Théories de la domination

Baudelot

 

 

Paradigmes interactionnistes

 

 

MARXIENS

 

 

TOCQUEVILLIENS

 

MERTONIENS

 

WEBERIENS

 

Faut-il tenir compte des faits antérieurs ?

NON

NON

NON

OUI

L’acteur doit-il tenir compte des actions d’autrui ?

 

NON

NON

OUI

OUI

Les préférences des acteurs doivent elles être expliquées ?

 

NON

OUI

OUI ou NON

OUI ou NON

Exemples

-Logique de l’Action Collective

- Inégalités sociales et démocratisation de l’école (Thurow)

 

- Racisme des syndicats américains (Merton)

- Travaux de Crozier

- Réussite scolaire fonction de la culture transmise dans la famille (Bernstein)

- Boudon

 

Boudon donne plusieurs explications au succès des paradigmes déterministes : La sociologie s’est d’abord intéressée à des sujets et des concepts relevant de ces paradigmes. La sociologie s’est construite comme une réaction romantique à la philosophie des lumières. L’institutionnalisation s’est faite au moment de la domination de la physique et des sciences naturelles. Elle a naturellement emprunté leurs déterministes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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