La mort chez les anciens scandinaves

LA MORT CHEZ LES ANCIENS SCANDINAVES

Régis BOYER – Coll. Vérité des Mythes – « Les Belles Lettres » - 1994.

 INTRODUCTION

Le monde mental des scandinaves est toujours marqué par l’idée de deux mondes qui correspond probablement à la juxtaposition successive de deux cultures. Boyer essaie de le montrer à travers l’étude de la mort qui n’est jamais perçue comme séparée de la vie. Ces deux sources, voire trois sources, sont une source « archaïque » sur laquelle s’est imposée une source indo européenne et il faut  ajouter les influences chrétiennes près 900. Boyer utilise des sources écrites bien précises :

+ Les Eddas : l’Edda poétique qui parle des Dieux (12 è siècle) et l’Edda en prose de Sturlurson (13è siècle). Dans ces Eddas les choses ne sont jamais nommées directement mais par métaphores.

+ Les écrits savants ou des clercs (12-13è siècle) et leur influence sur les sagas (qui semblent directement inspirées de l’hagiographie médiévale)

PARTIE I : LA MORT, UNE REALITE PHYSIQUE

CHAPITRE I : LES REVENANTS, PERSONNES PHYSIQUES

Le « draugr » est un revenant mais pas un fantôme, c'est-à-dire qu’il a une matérialité Il habite son tertre et est en général mécontent de son lieu ; c’est un être mécontent de sa mort et qui vient tourmenter les hommes. Il est donc mauvais, il risque de flétrir le caractère sacré (la  « mannhelgr ») de l’individu. Le revenant « chevauche » (cf « cheval » est à l’origine de « cauchemar »). Il se manifeste plutôt la nuit, en automne et en hiver mais il faut se défendre contre les revenants (en lui mettant des chaussures spéciales ou en enfonçant un pieu). Il a existé des procès de morts accusés de tourmenter les vivants.

CHAPITRE II : LES ÊTRES SOUTERRAINS ET LA TOMBE.

La mort n’est pas la cessation de la vie mais une autre forme de vie

1)      Les draugr entretiennent des liens avec les géants, les nains et les dieux

a)      Les géants

Ils portent toutes sortes de noms et sont perçus comme ennemis de ma vie. Les dieux sont des descendants des géants mais aussi des descendants des ancêtres. Les géants et les nains se rapprochent des morts par leur connaissance des choses suprêmes
Les géants sont presque tous des magiciens

b)      Les nains.

Ceux qu’on appelle « nains » sont dénommés « dvergr » en vieux norrois c'est-à-dire « tordus ». Les nains ne sont pas spécialement petits à l’origine, c’est l’église qui els a rendus petits. Ils nt notre taille et ont des caractéristiques qui les rapprochent des géants

Ils vivent sous la terre et on la connaissance des choses du mine et de la poésie.

c)      Les nains et les géants sont la version nordiques des « génies du leu » germaniques (lanvaettir) mais, à leur différence, ne font pas l’objet d’un culte. On les retrouvera comme gardiens d’un lieu sous forme de nombreuses autres créatures surnaturelles

d)      Les trolls

Ils posent des problèmes complexes de définition. Ils ne correspondent pas à l’image qu’on se fait d’eux aujourd’hui. Ils sont plutôt grands, voire géants. Ils sont proches des revenants hommes et s’intéressent aux hommes et à leur femmes dont ils ont parfois des enfants (« blendingr »)

 2)      Conceptions de la tombe

La tombe est la maison du mort. Les tertres sont parfois une forme de bateau rappelant l’idée du voyage que doit effectuer le mort. Un rite important est celui des « banquets des funérailles » (ou « bière de funérailles ») une semaine après le décès.

 CHAPITRE III : L’AUTRE MONDE ET LE ROYAUME DES MOTRTS ENT ANT « QU’UNIVERS CONCRET ».

L’image du monde des morts est différente suivant le type de société

+ Dans les sociétés agraires et rurales, le monde des morts est vu comme un monde statique en continuité avec la vie. La mort n’est alors qu’un changement d’tat.

+ Dans les sociétés pastorales ou de chasseurs-pêcheurs- cueilleurs, la mort est véritablement séparée de la vie. Le royaume des morts est plus « dynamique »

1)      PRINCIPE

Dans les sociétés scandinaves, la troisième fonction de dumézil ( fertilité- production) est fondamentale et s’incarne dans la famille.
Les morts « normaux » sont ceux qui ont réussi leur vie. Il ya donc un lieu continu entre les morts et la famille. Les relations entre vivants et morts ont un caractère de réciprocité.

2)      Tertre familial et culte des ancêtres.

+ Le tertre est dans le voisinage immédiat d la ferme ; le mort y habite comme s’il était vivant t il donne des conseils.

Le mort fait partie des vivants.

+ Dans les sagas, le suicide n’existe pas. La notion échappe à cet univers mental. Mais il y a des personnes qui se portent volontaires pour accompagner un être cher

+ Donc les morts ont simplement changé d’état et continuent de vivre avec la famille

+ Boyer suppose que els dieux ont pu n’être que le dernier avatar d’un culte immémorial que vouaient les vivants aux lointains ancêtres.

+ La perpétuation d’un esprit également assurée par le choix du prénom conféré au nouveau né.

– Le rite majeur est l’attribution d’un prénom (il n’existe spas de nom de famille)

+ Boyer raccorde ces vues à la mythologie : chez les scandinaves ka troisième fonction de dumézil est première ; les Dieux sont dépositaires de cette fonction et les rois en sont les représentants. «Les « morts familiaux » sont les garants de cette troisième fonction.

3)      L’IMAGE DU ROYAUME DES MORTS

Le royaume des morts est un royaume souterrain et s’appelle « hel ». le domaine est entouré d’une grille, « helgrindr » (ou nagrindr). Il comporte le rivière Gjöll que traverse le pont Gjallarbui. La présence de la rivière atteste de l’importance de l’eau comme délimitant le royaume des morts, ce qu’on retrouve avec l’idée qu’il existe un royaume de s morts au delà de la mer (le bateau Naglfar emporte els trépassés vers l’autre monde) et les Vanes, les plus anciens dieux, sont censés régner sur l’eau.

c) HEL

Hel désigne aussi bien les enfers que la reine des enfers, fille de Loki et de la géante Angrboda (comme Fenrir et le grand serpent de Mingradr). Les anciens scandinaves ont deux conceptions du monde :

+ Une conception horizontale : le monde est un disque. Au centre, on a Asgard, le domaine des Dieux. Autour, c’est Midgardr, le monde « moyen » des hommes. A l’extérieur, c’est Utgardr, l’enclos extérieur qu’occupe la Grande Mer où vit le Grand Serpent qui se mord la queue. Dans Utgardr, il y a aussi Jotunheimr, le monde des géants dans lequel se situe Hel.

+ Une conception verticale : L’arbre Yggdrasill est au centre du monde.  Il a trois racines et sous chacune d’elles coule une rivière : la fontaine de Mimir (dieu-géant de la mémoire), la fontaine de Urdr (qui est une norne, divinité du destin), Hvergelmir d’où partent tous els fleuves et qui coule devant les grilles de Hel. Donc Hel est soit « au dela » soir « en bas ».

d) Expressions littéraires de Hel.

+ Le Bjarmaland : c’est un pays réel (côtes de la mer blanche) aux confins septentrionaux des terres connues qui a été, dès les débuts, une terre légendaire.

+ Chez Snorri :  Loki a , semble-t-il, été au départ un Géant- grand magicien régnant sur Urgrad , associé à la destruction (mais aussi  à la création de l’homme avec Odin et Henir, un dieu énigmatique). Par la suie, il a a=été assimilé au diable chrétien (Loki/fer) et même au trickster.

e)      Connotations d’ordre moral.

Les trois péchés capitaux des scandinaves sont l’adultère, le crime honteux (contre un homme sans défense), le parjure. Ils remettent en cause le caractère sacré du groupe familial. Cela entraine rarement une peine de mort mais plutôt une peine de bannissement ou de proscription (bannissement définitif) de la communauté, peine pire que la mort.

POUR CONCLURE LA PREMIERE PARTIE

Il n’y a pas de rupture entre vie et mort car ce qui compte avant tout c’est la famille ou le clan qui inclue morts et vivants. Le Draugr est un mort qui revient parceque mécontent de la manière dont son héritage est gré.

 

DEUXIEME PARTIE : LA MORT EN TANT QUE REALITE SPIRITUELLE

CHAPITRE IV : LE MORT-ESPRIT.

Boyer avance des hypothèses qu’il annonce fragiles. Il reconnait plusieurs fonds culturels.

-          Un fond autochtone : culture pastorale errante

-          Une culture sédentaire paysanne avec un fond indo européen

-          Une culture chrétienne qui se réapproprie des éléments de la précédente.

Cela expliquerait les emplacements successifs du royaume des morts sous terre, dans les montagnes, et dans le ciel.

A)    APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE.

Le monde des scandinaves est double.

a)      L’âme selon les anciens scandinaves. Il ya trois termes pour l’âme : Hugr, Hamr, fylgja

1)      Hugr

Ca correspond au mana polynésien, au manitou des indiens ou  à l’orenda des nord américains. LM hugr est unprincipe impersonnel qui nous dépasse, l’âme du monde  mais avec laquelle nous pouvons entrer en communication. Le Hugr peut avoir deux manifestations néfastes :

-          Il peut chevaucher (d’où  le cauchemar) et se manifestera entre autres par le cheval.

-          Il peut « mordre » (on n’est pas loin du vampire)

2)      Le Hamr.

Il établit un lien avec l’animal  notamment avec le phoque. Il y a des relents de totémisme.

Cas du Varglufr (métamorphose en loup) et du manbjörn (métamorphose en ours). Les deux se fondent dans l’image du berserkr (le guerrier fauve assez proche du amok malais).

3)      La fylgja

Dans un premier sens, c’est le placenta et c’est l’esprit qui accompagne l’individu au long de sa voie (mais une fylgja peut changer de propriétaire). La fylgja peut prendre l’apparence d’un fantôme (et non d’un revenant).

A travers la notion d’âme on voit ue le monde est double. L’âme peut être un principe permanent qui peut visiter l’homme (Hugr), un principe immortel qui se réincarne au sein d’un clan et peut habiter l’homme (Hamr) ou bien un esprit des morts qui accompagne le vivant (fylgja)

b)      MANIFESTATIONS PASSIVES DE L’ESPRIT DES MORTS : LA NECROMANCIE

1)      La nécromancie est une pratique courante et attestée

2)      La Feigd

Cela correspond à tout signe de : mort imminente décelable chez la futrue victime. C’est à mettre en lien avec le Destin.

c)      MANIFESTATIONS ACTIVES : RÊVES, VISIONS, APPARITIONS.

Les rêves sont de type prophétique et souvent par l’intermédiaire des animaux et prémonitoires par la biais des morts.

En norrois, on ne dit pas « j’ai rêvé » mais « **m’a rêvé » ; le rêveur est « agi » et non actif.

Boyer a retrouvé au moins 500 relations de rêves dans les sagas islandaises.

Il existe donc une communication entre morts et vivants par le bais des rêves, visions ou apparitions.

B)     APPROCHE THEOLOGIQUE : LE DIEU DES MORTS.

Le mythe de Hroesvelgr met en scène un Dieu-aigle responsable des vents mais aussi charognard (mangeur de cadavres). Il s’agirait d’une figure d’Odin et il y aurait un lien direct entre Odin et la mort.

3)      Odin n’est pas le dieu de la guerre (ce serait plutôt Thor) mais le dieu-magicien ou de dieu-savant, le dieu-chamane qui règne sur le monde des esprits.

4)      Odin est « dieu des morts » (morts conçus comme esprits) ;

Il est l’incarnation de l’âme sous ses trois formes : hugr, hamr, fylgja.

Le dieu Odin et la notion de hamr s’associent dans un grand nombre de mythes

La fylgja (notion féminine) renvoie plutôt aux valkyries

La poésie, si importante chez les scandinaves, aurait des origines religieuses ou magiques. On n’y nomme pas directement des choses mais on y fait des métaphores complexes. La poésie scaldique a pour première fonction d’immortaliser la mémoire des disparus et, donc, de faire le lien entre els deux mondes.

Le pont (Gjallarbu) qui passe  sur la rivière (Gjöll) fait le lien entre les deux mondes mais Odin peut aussi mener la barque des morts.

C)    RITUELS

Les Alfes (et non Elfes) correspondraient aux esprits des morts . Ils sont aussi importants que les Ases.

CHAPITRE V : UN AUTRE MONDE POUR LES ELUS D’ODIN.

Vis-à-vis de « l’enfer » ou du « paradis » nos catégories de Bien et de Mal n’ont pas cours. Il fau plutôt se référer à l’idée de Destin qu’on accomplit.

I)                   LA VALHÖLL

On a une opposition Vallhöl/Hel dans la vision concentrique du monde et Vallhöl/ Niflehel dans sa vision verticale

Le Ragnarok es tune bataille entre forces spirituelles baignée de magie

Bifrost n’est pas un pont matériel mais est symbolisé par un arc-en-ciel.

II)                LA RELATION D’IBN FADHLAN.

C’est un texte de 922 qui relate un enterrement d’un chef  viking sur les bords de la Volga.

Il en ressort que la mort est d’abord une exaltation de la vie, que la mort est assimilée à un « voyage » (importance du bateau) et que la liaison avec la famille et les parents est constamment établie.

CHAPITRE VI : LA MORT DU MONDE : ESQUISSE D’UNE HISTOIRE ESCHATOLOGIQUE.

L’idée de mort comme fin n’existe pas chez les scandinaves. La mort fait toujours partie de la vie. On le voit également avec le Ragnarok où Heimdallr (le gardien de Bifrost) combat Loki. Mais Boyer voit une identité entre Heimdallr, Jormungand (le serpent) et Yggdrasill (l’arbre). Toutefois le Ragnarok laisse place à une régénération ce qui montre que cette culture se refuse à l’idée de fin absolue.

CONCLUSION : CHERCHER UNE SPECIFICITE.

A travers l’analyse des morts, Boyer essaie de montrer qu’il y a chez les scandinaves la superposition de deux cultures. Il démarre de l’idée de « draugar », ce mort vivant mécontent de son sort qui n’aurait pas d’équivalent dans d’autres cultures. Il voit des dualités : deux enfers, deux paradis, deux types de créatures surnaturelles correspondant t à ces deux cultures (par exemple le cheval et le navire pour transporter) Une culture archaïque et une culture indo européenne, la deuxième étant représentée par Odin et les Ases. Mais il subsiste une constante : la mort n’existe pas. Le mort n’est pas mort et il mène un autre type de vie et les morts peuvent nous interpeller par les rêves ou en revenant matériellement.

 

 

 

 

 

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