American Nightmare IV : Les origines

Disons le d'emblée, ce film n'est pas un grand film. Même si les images sont souvent belles et les scènes de bagarre époustouflantes (attention! Abstenez vous si vous ne supportez pas l'hyper violence), Gérard Mc Murray n'a pas de réelle écriture cinématographique. Par ailleurs, le film est tiraillé entre différents genres : film d'action, film d'horreur, film à thèse (sociologique et/ou politique) et ce n'est que dans sa dernière partie qu'il se décide à être un pur film d'action (plaisant à voir pour qui aime).  Pourtant, il vaut la peine qu'on s'y arrête. Rappelons la thématique des "American Nightmare" (quatre films) : chaque année est organisée sur l'ensemble du territoire des Etats-Unis une "Nuit de la Purge" durant laquelle tout est permis (délits et crimes compris, bien sûr), l'objectif étant de permettre aux américains de décharger leurs frustrations dans la violence et aussi de réguler le surplus de population (thème qui en soi n'est pas nouveau et qu'on retrouve dans les récits de SF dès les années 50).

Cet "American Nightmare IV" constitue un "préquel", c'est à dire qu'il est censé se situer avant les trois autres AN et expliquer comment la "journée de la purge" a été mise en place. A cette époque, le parti au pouvoir, le NAFF (je cite de mémoire) décide de mettre en application les thèses d'une sociologue, la docteure Updale. Selon celle-ci, l'organisation d'une "Nuit de la Purge" permettrait aux gens de se libérer de leurs frustrations et après une soudaine montée de la violence, on retrouverait une situation d'apaisement et d'accalmie (on retrouve une version hyper simplifiée de la catharsis qui n'a jamais été un concept sociologique). Le NAFF décide de faire une expérimentation dans le quartier le plus déshérité de la ville, son but n'étant pas de purger les pulsions mais de favoriser une auto élimination des populations les plus déshéritées (message malthusien ou pseudo darwinien). Pour cela, les habitants ont le choix entre quitter le quartier pour la nuit ou bien rester moyennant une rémunération substantielle (et bien venue pour ceux qui sont dans la misère) et une rémunération encore plus forte s'ils participent à la purge (donc s'ils volent ou tuent). L'idée d'éliminer les plus faibles ou les inadaptés n'est évidemment pas nouvelle et elle a pris deux formes dans l'Histoire : la première correspond à ce qu'on a appelé le "darwinisme social" et implique de "laisser faire" la sélection naturelle par l'élimination des moins adaptés et la survie des mieux adaptés (NB : il faut signaler que cette idée ne vient pas de Darwin mais du sociologue britannique Herbert Spencer). Estimant que dans la société du 19è siècle, la sélection naturelle n'opère plus, d'autres (dont Francis Galton, qui était parent de Charles Darwin) proposèrent de mettre en place cette sélection et instaurèrent l'Eugénisme (mis en pratique des les années 1870 et jusque dans les années 1970 dans certains pays). Entre la "liberté" du darwinisme social et la contrainte de l'Eugénisme, se dessine une troisième voie dans ce film, celle qui consiste à mettre en place les conditions dans lesquelles les individus se détruiront mutuellement. On retrouve ici la logique du "nudge" ("coup de pouce") développée par un courant de recherche très en vogue aujourd'hui, "l'économie comportementale". Constatant que les hommes sont moins clairvoyants et rationnels qu'on ne l'imaginait jusqu'ici et répugnant à utiliser la contrainte étatique, les "comportementalistes" s'appuient sur les "faiblesses" des individus pour orienter leurs actions (l'exemple typique est celui des déclarations de revenus où on demandait aux individus de cocher une case s'ils ne possédaient pas de téléviseur au lieu de demander de cocher s'ils en possédaient un; il y a moins de "triche" dans le premier cas que dans le second). C'est ce que les promoteurs du "nudge" ont appelé le "paternalisme libéral" et il n'est pas étonnant qu'on retrouve un exemple de nudge au lieu d'une pure répression étatique dans un film de 2018.

La nuit de la purge est donc mise en place et on s'attend à une vague de meurtres. Pourtant, à l'exception de quelques vols et de meurtres opérés par un psychopathe (surnommé "skelettor"), rien ne se passe. Au contraire, on voit plutôt se constituer des "fêtes de la purge" où les gens descendent dans la rue pour rire et danser. Rien ne se passe comme l'avait prévu la sociologue qui a institué l'expérience. Pourtant , au bout de quelques heures, une vague de crimes commis par des groupes organisés se répand dans la ville. C'est l'inverse de ce qu'avait prévu le docteur Updale : alors qu'elle pensait qu'après une vague de violence, le calme s'imposerait, la violence surgit au sein d'un calme préalable.

ATTENTION JE SPOILE (mais ce n'est pas grave). Le docteur updale ne tarde pas à comprendre que les bandes d'assassins qui sévissent ont été commanditées par la NAFF, le parti au pouvoir, qui tient absolument à la réussite de la purge. FIN DU SPOIL

Pour finir, il me faut parler du coeur du film et des héros principaux. Les bandes armées sont décidées à tuer le maximum d'habitants et débarquent dans les immeubles et les appartements mais elles seront vaincues par Dimitri et sa bande, le groupe de dealers qui maintient la vie et l'activité du quartier; ils apparaitront comme des sauveurs et seront des héros adulés par tous. (Ça a un petit goût de "Street Corner Society", cette enquête sociologique de 1943 - voir ici http://mondesensibleetsciencessociales.e-monsite.com/pages/notes-de-lecture/notes-de-lecture-en-sociologie/william-bill-foot-whyte-street-corner-society-1996-ed-la-decouverte-1ere-ed-americaine-1943.html) - dans laquelle l'auteur montre comment la vie de quartier est soutenue et régulée par les activités souterraines légales ou illégales).

Donc, au delà du film d'action et du film d'horreur, on a en filigrane quelques thèses sociologiques et politiques. Le plus intéressant est constitué par les hypothèses sous jacentes de la très méchante sociologue (qui m'a fait penser à Zimbardo dont on sait aujourd'hui qu'il a été un faussaire de la science) : l'Homme est un loup pour l'Homme et il suffit de relacher les contrôles sociaux pour qu'ils se ruent les uns sur les autres. Mais il faut pour cela qu'ils soient égoïstes. Or , l'expérience ne donne pas du tout ce résultat mais se traduit au contraire par un calme global, chacun se réfugiant chez soi ou dans des lieux collectifs, ou bien par une effervescence festive. Intéressant puisqu'après un siècle de recherches consacrées à mettre en évidence les caractères égoïstes de l'Homme, on se tourne aujourd'hui de plus en plus vers l'analyse de l'altruisme chez les individus. Bien sûr , cet altruisme est cassé dans le film par les actions du Parti au pouvoir et c'est là que le film à thèse laisse la place au film d'horreur : la mise en place d'une "Nuit de la Purge", alliant une mythologisation du Darwinisme Social et l'utilisation des Nudges, ne semble pas du tout absurde et entre en cohérence avec certaines logiques qui se développent à l'heure actuelle

 

 

 

 

 

 

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